Dans une décision toute récente rendue dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité1, le Conseil constitutionnel vient d’étendre l’exigence de la notification du droit au silence par l’autorité de poursuite, dans le cadre de l’exercice de l’action disciplinaire à l’endroit des fonctionnaires, au visa de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme. Plus récemment encore, il applique cette exigence dans le cadre de la procédure disciplinaire applicable aux magistrats des chambres régionales des comptes2. Ce droit et sa notification innervent désormais toutes les procédures se situant dans le champ de la matière pénale au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales3.
Le droit au silence : un principe made in USA qui s’impose avec force et vigueur au législateur français
Rappelons que le « droit au silence » ou « droit de se taire », ou encore « droit de ne pas s’auto-incriminer », est la faculté reconnue à une personne mise en cause dans la commission d’une infraction pénale, lorsqu’elle est entendue par les enquêteurs ou par un juge, de rester silencieuse et de n’être pas forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable. Et sans que ce silence ne puisse lui être reproché et retenu à charge contre elle. Le droit au silence tel qu’ainsi défini est en effet une conséquence directe du principe de présomption d’innocence, qui repose sur le postulat selon lequel il revient à la seule autorité de poursuite de rapporter la preuve de la culpabilité de la personne prévenue ou accusée.
Le droit au silence est aujourd’hui prévu et protégé par toutes les sources du droit en matière de libertés fondamentales et droits humains.
Le Conseil constitutionnel juge en effet qu’il résulte de la présomption d’innocence (DDH, art. 9) un principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, duquel découle le droit de se taire (Cons. const. 4 mars 2021, n° 2020-886 QPC, Dalloz actualité, 12 mars 2021, obs. V. Morgante ; RSC 2021. 483, obs. A. Botton ). Pour rendre effectif ce droit, la loi doit prévoir que toute personne mise en cause doit impérativement s’entendre notifier « son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ».
L’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) prévoit le droit de ne pas s’auto-incriminer.
La directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, exige des États membres qu’ils veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement, oralement ou par écrit, des informations concernant leurs droits procéduraux, notamment celui de garder le silence, de façon à en assurer l’exercice effectif.
Ce droit est par ailleurs consacré par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est reconnu par de nombreuses législations d’États démocratiques étrangers.
En France, le droit au silence (et sa notification) a été introduit pour la première fois dans le code de procédure pénale par loi du 15 juin 2000 protégeant la présomption d’innocence, avant que d’être supprimé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure4, puis réintroduit par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la directive précitée et par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, entrées en vigueur respectivement le 2 juin et le 1er octobre 2014. À la suite de nombreuses déclarations d’inconstitutionnalité décidées dans le cadre de procédures de questions préalables de constitutionnalité5, ce droit est aujourd’hui prévu aux articles 61-1 (audition libre), 63-1 (garde à vue), 113-4 (témoin assisté), 116 (première comparution), 141-4 (rétention pour violation de contrôle judiciaire), 328 (cour d’assises), 393 (défèrement devant le procureur de la République), 406 (tribunal correctionnel), 709-1-1 (rétention en matière d’exécution des peines) et enfin 803 (déclaration écrite des droits) du code de procédure pénale.
Sans attendre la mise en conformité avec la Constitution des dispositions de l’article 396 dudit code partiellement abrogées, la décision précitée du Conseil constitutionnel du 4 mars 2021 avait conduit à étendre ce droit au prévenu présenté au juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République sur le fondement de ce texte. Le droit au silence et son effectivité ne sont aujourd’hui guère contestables, même si, pour certains, juges et enquêteurs s’acharnent, par des techniques d’interrogatoires, à le rendre illusoire6.
Apparemment teinté d’américanisme, le droit au silence français, voire continental, semble directement dérivé de la jurisprudence Miranda de la Cour suprême des États-Unis (13 juin 1966, Miranda v. Arizona) : « La personne en garde à vue doit, préalablement à son interrogatoire, être clairement informée qu’elle a le droit de garder le silence et que tout ce qu’elle dira pourra être utilisé contre elle devant les tribunaux […]. »
Mais les apparences sont trompeuses.
Aux États-Unis, l’avertissement Miranda (Miranda warning), pièce maîtresse de la procédure accusatoire américaine, sonne comme un avertissement adressé au mis en cause sur les conséquences de ses éventuels aveux pour la suite de la procédure : ses déclarations pourront être utilisées contre lui devant la juridiction de jugement par l’accusation. Ses aveux rendront hasardeuse toute contestation ultérieure de sa culpabilité. Qu’il se soit expliqué ou qu’il se soit tu, si le prévenu décide de « plaider non coupable », il comparaît alors devant ses juges en qualité de témoin. Non seulement le tribunal ne lui notifiera pas, à nouveau, qu’il a le droit de se taire, mais lui fera prêter serment de dire la vérité. Le prévenu dispose toutefois du droit de se taire, par application du cinquième amendement à la Constitution des États-Unis. Le cas échéant, le prévenu annonce ainsi qu’il « plaide le cinquième »7 qui lui permet de ne rien dire et en effet de ne pas mentir. Le système a sa logique qui repose sur l’aversion de la société américaine pour le mensonge et sans doute aussi sur une confiance présumée dans la loyauté de tout individu assez éloignée de notre tradition judiciaire.
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Un principe qui peine à trouver sa juste place devant les juges nationaux pour réussir son acculturation
L’acculturation tardive en France du droit au silence en 2014 ne va pas de soi et ne conduit certainement pas aux mêmes équilibres. Ignorant encore en partie la culture du plaider coupable, qui escamote tout débat sur la culpabilité et ce malgré la place donnée à la comparution sur reconnaissance de culpabilité, le juge pénal français est tenu de rechercher la vérité avant de condamner. Dans cette quête d’une « vérité rarement pure et jamais simple » (Oscar Wilde), la loi française invite le juge à la prudence face à l’aveu comme mode de preuve.
De ce côté-ci de l’Atlantique, en obligeant l’enquêteur puis le juge à rappeler oralement au suspect ou au prévenu son droit au silence, avant d’évoquer avec lui les faits qui lui sont reprochés, la loi exhorte tacitement la justice à renoncer définitivement à la « la religion de l’aveu ». Elle résonne aussi comme une mise en garde contre la possible déloyauté des questions. Cette défiance, admissible pour les questions posées au cours d’une enquête inquisitoire ou d’une instruction secrète, bien que la présence effective de l’avocat soit aujourd’hui de règle, est plus contestable pour l’interrogatoire conduit contradictoirement et publiquement par un juge en présence de l’avocat du prévenu et du ministère public. À tout le moins, la règle ne revêt-elle pas la même portée pendant la phase présententielle de collecte des preuves et devant la juridiction de jugement où elles seront discutées.
Il est donc permis de s’interroger sur la cohérence de la répétition de l’avertissement oral du droit de se taire devant le tribunal, du moins lorsque le prévenu a accepté de s’expliquer au cours de l’enquête et de l’instruction et qu’il a encore en poche la déclaration écrite de ses droits qui vient de lui être remise. L’accusé qui fait appel d’un verdict de condamnation optera-t-il pour le mutisme, comme la loi l’y autorise, face aux jurés qui vont le rejuger ? Le mis en examen qui fait appel d’un refus de demande de mise en liberté devant la chambre de l’instruction ? Cette répétition, auquel le juge est contraint par la loi, jette le plus souvent la confusion dans l’esprit du prévenu, persuadé à juste titre que sa comparution est l’occasion décisive de s’expliquer et alors qu’il est en général désireux de s’exprimer. Cette nouvelle notification peut aussi faire naître chez lui l’inquiétude de ne pas avoir pris la juste mesure des conséquences de ses déclarations antérieures qui ne manqueront pas de lui être rappelées. La réitération de l’avertissement par le tribunal peut alors paradoxalement instiller le doute sur la loyauté de l’enquête et peut, à très mauvais escient, inspirer au prévenu la tentation de se rétracter.
Heureusement, la pratique révèle que le prévenu se rend vite compte au cours des débats que le mutisme est rarement la meilleure façon de se défendre devant une juridiction qui applique les règles du procès équitable, même si la loi interdit au juge de lui rappeler cette évidence in limine litis.
Il est à cet égard plutôt rassurant de constater que le rare prévenu qui refuse, délibérément, ses explications au tribunal souhaite généralement dénoncer par ce choix contestataire le traitement inique que lui réserve un système judiciaire auquel il dénie toute légitimité8. Pour comprendre le silence de ceux qui se taisent pour d’autres raisons, les moralistes du XVIIe siècle nous renseignent, mieux que la loi, sur leur psychologie. La Rochefoucauld nous apprend que « le silence est le parti le plus sûr de celui qui se défie de soi-même » – plus encore qu’il ne craint la justice – et qu’« il n’est jamais si difficile de bien parler que quand on a honte de se taire » –raison pour laquelle le prévenu peut se faire assister d’un avocat. En pratique, le mutisme du prévenu à l’audience procède rarement d’une stratégie de défense assumée. Les praticiens du procès pénal le savent bien et n’ont pas attendu la réforme de 2014 pour respecter celui qui ne trouve pas ses mots. Ils savent aussi qu’une écoute patiente peut libérer la parole après un long silence.
La prudence de la loi à l’égard de l’aveu se manifeste encore à l’article préliminaire du code de procédure pénale qui prévoit depuis 2011 qu’« en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ». Dérogeant aux principes de la liberté de la preuve et de l’intime conviction, le législateur assigne une sage limite à la valeur probante de la parole du prévenu.
Il n’en demeure pas moins que si le droit de se taire a été notifié et compris du mis en cause, il renforce alors la force probante de ses déclarations dont il tend à garantir la spontanéité et la sincérité, gages de son authenticité. Si, de surcroît, elles ont été recueillies avec l’assistance d’un avocat, elles peuvent alors devenir, à elles seules, des preuves de culpabilité suffisantes.
Détrôné par la preuve technique et scientifique, écarté lorsqu’il n’a pas été recueilli dans les formes légales, l’aveu n’est donc plus « la reine des preuves ». Cette évolution est vertueuse. Mais il serait toutefois regrettable qu’au nom du respect d’une stratégie de défense aventureuse, la libre parole du prévenu à l’audience soit découragée. Sincère ou mensongère, spontanée ou provoquée, les juges ont toujours besoin de l’entendre pour bien juger, et pas seulement pour condamner, la conscience en paix, ceux-là seuls qui avouent leur faute.
1. Cons. const. 4 oct. 2024, n° 2024-1105 QPC, Dalloz actualité, 14 oct. 2024, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2024. 1892 ; D. 2024. 1717
.
2. Cons. const. 18 oct. 2024, n° 2024-1108 QPC.
3. En matière de procédure disciplinaire applicable aux magistrats de l’ordre judiciaire, Cons. const. 26 juin 2024, n° 2024-1097 QPC, Dalloz actualité, 1er juill. 2024, obs. E. Poinas ; AJDA 2024. 1306 ; ibid. 1973
, note M. Verpeaux
; D. 2024. 1239
; en matière de procédure disciplinaire applicable aux notaires, Cons. const. 8 déc. 2023, n° 2023-1074 QPC, Dalloz actualité, 20 déc. 2023, obs. B. Durieu ; D. 2023. 2196, et les obs.
.
4. Pour répondre aux revendications exprimées par la police nationale et leurs organisations syndicales, et à l’époque sans aucun risque, en l’absence de toute possibilité d’exciper de la constitutionnalité de ce texte en l’absence de toute possibilité de soulever une question prioritaire de constitutionnalité et au regard d’une jurisprudence prudente de la chambre criminelle sur les terrains combinés du contrôle de conventionnalité et du principe de proportionnalité.
5. Cons. const. 9 avr. 2021, n° 2021-894 QPC (mineur quand il est interrogé par un service de la DPJJ), Dalloz actualité, 29 avr. 2021, obs. D. Goetz ; D. 2021. 699 ; AJ fam. 2021. 257, obs. L. Mary
; 30 sept. 2021, n° 2021-935 QPC (prévenu ou accusé comparaissant devant une juridiction statuant sur une demande de mainlevée ou modification du contrôle judiciaire), Dalloz actualité, 7 oct. 2021, obs. D. Goetz ; D. 2021. 1767
; 18 juin 2021, n° 2021-920 QPC, D. 2021. 1192
; ibid. 1564, obs. J.-B. Perrier
; 25 févr. 2022, n° 2021-975 QPC (information de la personne lors d’un examen requis par le procureur de la République), Dalloz actualité, 17 mars 2022, obs. S. Goudjil ; D. 2022. 690
, note V. Tellier-Cayrol
; AJ fam. 2022. 110, obs. L. Mary
; 17 mai 2024, n° 2024-1089 QPC (personne qui présente des observations ou réponses écrites au juge d’instruction en matière de diffamation), Dalloz actualité, 30 mai 2024, obs. H. Diaz ; D. 2024. 967
; A. Botton, Le droit de se taire, un grief efficace, RSC 2022. 419
.
6. J. Monin de Flauguergues et C. Guillemin, Le droit au silence n’existe pas, Dr. pénal, n° 4, p. 13.
7. « I take the fifth ».
8. Ce qui caractérise la notion de défense de rupture, notamment pratiquée par Klaus Barbie qui en 1987 avait ainsi refusé de comparaître au terme de quelques jours de débats devant la Cour d’assises du Rhône ; plus près de nous cela est également le cas de certains terroristes islamistes qui se murent dans le silence face à un système judiciaire qui ne partage pas leur idéologie, sur ce point, v. R. de Jorna, jss.fr, 14 oct. 2024.