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Le détournement par le salarié de son temps de travail est un abus de confiance

L’utilisation, par un salarié, de son temps de travail, à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur, constitue un abus de confiance.

par Sébastien Fucinile 1 juillet 2013

Par un arrêt du 19 juin 2013, la chambre criminelle a affirmé que « l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance ». Particulièrement étonnante et déconcertante, cette position de la chambre criminelle est difficilement justifiable, d’autant qu’il n’était pas nécessaire de passer par cette affirmation pour dire que l’abus de confiance était constitué. En l’espèce, le prothésiste en chef d’une clinique conseillait, pour la réalisation de prothèses définitives, de se rendre chez un certain prothésiste libéral, ce dernier rémunérant en contrepartie le premier. Dans le cadre de l’accord conclu entre eux, le prothésiste en chef réalisait durant son temps de travail, et avec le matériel de la clinique, les moulages nécessaires à la réalisation des prothèses définitives.

La chambre criminelle aurait pu se contenter d’affirmer que l’utilisation du matériel de la clinique à des fins autres que celles pour lesquelles son employeur le lui avait confié constituait un abus de confiance au sens de l’article 314-1 du code pénal. Il s’agit, en effet, du détournement d’un bien, au préjudice de l’employeur, qui avait été remis au salarié dans le but d’en faire un usage déterminé. Or, la chambre criminelle a profité de cette décision pour affirmer que le détournement du temps de travail est un abus de confiance. Il ne nous est pas possible, à la lecture de l’article 314-1 du code pénal, d’approuver cette solution, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’abus de confiance suppose une remise à titre précaire. Il ne peut être commis d’abus de confiance lorsque l’auteur des faits disposait de la pleine propriété des biens ou des fonds qui lui étaient confiés, car il ne peut alors y avoir d’acte de détournement. Ainsi en est-il des fonds remis dans le cadre d’un contrat de prêt : l’emprunteur disposant de la pleine propriété des fonds remis, il ne commet pas un acte de détournement en ne remboursant pas la somme prêtée (Crim. 14 févr. 2007, n° 06-82.283, Bull. crim. n° 48 ; D. 2007. 1080 ; ibid. 2632, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; RDI 2007. 281, obs. G. Roujou de Boubée ; AJ pénal 2007. 275 , note Y. Muller  ; Gaz. Pal. 2007. 2. Somm. 3334, note J. Lasserre Capdeville ; Dr. pénal 2007. Comm. 84, obs. M. Véron). Pour justifier le présent arrêt sur le fondement de l’article 314-1, il faudrait alors affirmer que le temps de travail est remis à titre précaire au salarié. Comment peut-on soutenir que l’employeur remet au salarié du temps de travail ?

Ensuite et surtout, l’abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, des valeurs ou un bien quelconque. Ces notions sont bien plus larges que celle de « chose » et englobent, outre les biens corporels, les biens incorporels, tels qu’un numéro de carte bancaire (Crim. 14 nov. 2000, n° 99-84.522, Bull. crim. n° 338 ; D. 2001. 1423 , note B. de Lamy ; RSC 2001. 385, obs. R. Ottenhof ; RTD civ. 2001. 912, obs. T. Revet ; RTD com. 2001. 526, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 2001. Comm. 28, obs. M. Véron), un projet industriel (Crim. 22 sept. 2004, n° 04-80.285 ; Bull. crim. n° 218 ; 22 sept. 2004, n° 04-80.285, D. 2005. 411 , note B. de Lamy ; ibid. 961,...

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