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Droit de vote des détenus : la Constitution russe est inconventionnelle

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) constate l’inconventionnalité de la Constitution russe dont une disposition prive du droit de vote tous les condamnés détenus.

par Olivier Bacheletle 24 juillet 2013

Condamnés à la peine capitale, notamment pour meurtre, les requérants virent leur condamnation commuée en une peine de quinze ans d’emprisonnement. À la suite de leur incarcération, ils furent privés de leur droit de vote, en application de l’article 32, § 3, de la Constitution russe. Après avoir exercé plusieurs recours internes, jusque devant la Cour constitutionnelle russe, les requérants saisirent la Cour de Strasbourg en alléguant une violation de l’article 3 du protocole n° 1, relatif au droit à des élections libres.

Rappelant que l’article 3 du protocole n° 1 ne concerne que les élections relatives au « choix du corps législatif », la Cour rejette la partie des requêtes concernant les élections présidentielles. En revanche, s’agissant de l’impossibilité faite aux requérants de voter aux élections législatives, la Cour indique qu’au XXIe siècle, dans un État démocratique, le droit de vote ne saurait être considéré comme un privilège, « la présomption devant jouer en faveur de l’octroi de ce droit au plus grand nombre ». Or, tout en admettant que l’interdiction faite aux détenus de voter vise à renforcer le sens civil et le respect de l’état de droit et à garantir le bon fonctionnement de la société civique et du régime démocratique, la Cour souligne qu’elle s’applique, en l’espèce, de manière automatique et générale à tous les détenus condamnés, quelles que soient la durée de leur peine, la nature ou la gravité de l’infraction commise ou leurs circonstances personnelles. Par conséquent, faute pour le gouvernement d’apporter la preuve d’une proportionnalité de la mesure d’interdiction de voter frappant les condamnés détenus, la Cour constate une violation de l’article 3 du protocole n° 1.

De la sorte, la Cour européenne réaffirme sa jurisprudence rendue à l’égard du Royaume-Uni (CEDH 6 oct. 2005, Hirst c. Royaume-Uni [n° 2], n° 74025/01, CEDH, 6 oct. 2005, n° 74025/01, AJDA 2006. 466, chron. J.-F. Flauss ; RSC 2006. 662, chron. F. Massias ; 23 nov. 2010, n° 60041/08, CEDH, 23 nov. 2010, n° 60041/08, D. 2011. 193, obs. J.-F. Renucci ; RSC 2011. 226, obs. J.-P. Marguénaud ), tout en reprenant, sans l’appliquer, la nuance récente, dégagée dans une affaire concernant l’Italie, selon laquelle, en vue de garantir le droit énoncé par l’article 3 du protocole n° 1, les États contractants peuvent décider, soit « de confier au juge le soin d’apprécier la proportionnalité d’une mesure restrictive du droit de vote des détenus condamnés », soit « d’incorporer dans la loi des dispositions définissant les circonstances dans lesquelles une telle mesure trouve à s’appliquer » (CEDH, gde ch., 22...

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