Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Garde à vue : le parquet plus que jamais sur la sellette européenne

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) refuse qu’à la suite de l’interception d’un navire en haute mer, des suspects privés de liberté pendant dix-huit jours ne soient pas, dès leur arrivée en France, présentés à un magistrat du siège.

par Olivier Bacheletle 2 juillet 2013

Le 7 février 2008, alors qu’il naviguait en haute mer, au large de la Guinée, le cargo Junior fut intercepté et arraisonné par la marine française sur le fondement de soupçons de trafic de stupéfiants. Dérouté vers la France, le Junior accosta dans le port de Brest le 25 février 2008. Les neuf membres d’équipage furent alors placés en garde à vue, mesure qui fit l’objet d’une prolongation de vingt-quatre heures sur décision du procureur de la République. Le 27 février 2008, les suspects furent présentés individuellement à deux juges des libertés et de la détention (JLD) qui prolongèrent de nouveau leur garde à vue.

Mis en examen, les requérants formèrent des demandes d’annulation de leurs gardes à vue et mises en examen, notamment sur le fondement de l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH). Néanmoins, la chambre de l’instruction rejeta ces requêtes en estimant, d’une part, que la durée de la privation de liberté subie en mer était justifiée par des circonstances exceptionnelles liées au délai incompressible d’acheminement du bateau dans un port français et, d’autre part, que le placement en garde à vue des intéressés pour quarante-huit heures avant leur présentation aux JLD était justifié pour les nécessités de l’enquête. Cet arrêt fut confirmé par la Cour de cassation qui rejeta le pourvoi des requérants le 29 avril 2009. Finalement, le 8 février 2012, la Cour d’assises spéciale de Rennes condamna quatre membres de l’équipage et le représentant en Afrique du propriétaire du Junior.

Saisie, pour l’essentiel, d’une violation alléguée de l’article 5, § 3, de la Conv. EDH, aux termes duquel tout suspect arrêté ou détenu « doit être aussitôt traduit devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », la Cour déclare, en premier lieu, deux requêtes irrecevables pour défaut d’épuisement des voies de recours internes, les intéressés n’ayant soulevé aucun moyen à l’appui de leur pourvoi en cassation (V. pour une solution identique en cas de défaut de mémoire ampliatif : CEDH, 20 janv. 2000, Yahiaoui c. France, req. no 30962/96). En deuxième lieu, la Cour reprend le raisonnement déjà tenu par elle dans sa décision Rigopoulos et autres c. Espagne (CEDH, déc., 12 janv. 1999, req. n° 37388/97) et dans son arrêt Medveyev...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :