Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Garde à vue : qualité à invoquer la nullité d’une sonorisation et accès au dossier

Un mis en examen, qui n’est titulaire d’aucun droit ni titre sur l’appartement sonorisé et dont les conversations n’ont pas été captées, ne peut invoquer la nullité de la mesure. Le défaut d’accès à l’entier dossier de la procédure en garde à vue n’est pas de nature à priver d’un droit effectif et concret à un procès équitable, dès lors que l’accès à l’intégralité du dossier est assuré devant les juridictions d’instruction et de jugement. 

par Sébastien Fucinile 2 octobre 2013

Par un arrêt du 26 juin 2013, la chambre criminelle a précisé sa jurisprudence quant à la possibilité pour un tiers d’invoquer la nullité d’une mesure de sonorisation provenant d’une autre procédure. Elle a ainsi estimé que les personnes mises en examen, « qui n’étaient titulaires d’aucun droit ni titre sur l’appartement en question et dont les conversations n’ont pas été captées, ne sauraient prétendre avoir subi une atteinte à l’un des droits protégés par l’article 706-96 » du code de procédure pénale.

La Cour de cassation avait déjà, quelques mois auparavant, adopté une position similaire mais, toutefois, plus ambiguë, en affirmant que « les demandeurs, ne revendiquant aucun droit sur le box et le véhicule en cause, ne sauraient se prévaloir d’une prétendue atteinte au droit au respect du domicile ou de la vie privée d’un tiers, dont ils ne démontrent pas en quoi elle aurait porté atteinte à leurs intérêts (Crim. 23 janv. 2013, n° 12-85.059, Dalloz actualité, 11 févr. 2013, obs. S. Fucini , note T. Potaszkin ; AJ pénal 2013. 227, obs. J. Pronier ). Le présent arrêt précise que, dès lors que le demandeur n’a aucun droit ni titre sur les locaux sonorisés, il ne peut invoquer la nullité que dans le cas où ses conversations ont été captées.

Le raisonnement de la Cour de cassation est simple : l’article 706-96 du code de procédure pénale permet à un juge d’instruction de mettre en œuvre des sonorisations et des fixations d’images dans des lieux privés. En ce que cet acte est particulièrement attentatoire à la vie privée, des conditions très strictes sont prévues pour pouvoir mettre en œuvre une telle mesure. Ces conditions n’ont d’autre objectif que de protéger le droit à l’intimité de la vie privée et leur violation ne peut être invoquée que par une personne ayant subi une telle atteinte. Par sa position, la chambre criminelle se conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, relative au droit de pouvoir invoquer la nullité d’une mesure provenant d’une autre procédure lorsqu’elle porte atteinte à la vie privée du demandeur (CEDH 29 mars 2005, n° 57752/00, Matheron c. France, n° 57752/00, D. 2005. 1755 , note J. Pradel ; RSC 2006. 662, chron. F. Massias ; ibid. 2007. 333, étude R. Filniez ) sans appliquer à cette mesure sa jurisprudence relative à l’impossibilité d’invoquer la nullité de la garde à vue d’in tiers (Crim. 14 févr. 2012, n° 11-84.694, Dalloz actualité, 16 févr. 2012, obs. E. Allain , note H. Matsopoulou ; ibid. 775, concl. D. Boccon-Gibod ; ibid. 2118, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2012. 159 , note C. Guéry ; RSC 2012. 394, obs. D. Boccon-Gibod ; Dr. pénal 2012. Comm. 61, obs. A. Maron et M. Haas), ce qui s’explique aisément : les dispositions violées en matière de garde à vue visent à protéger les droits de la défense et seule la personne ayant subi une atteinte à ses droits de la défense peut en invoquer la nullité. De même, l’article 706-96 protégeant le droit à la vie privée, seules les personnes ayant subi une atteinte à l’intimité de leur vie privée peuvent invoquer la nullité de la mesure.

Cette position est tempérée mais contestable car l’acte vicié est un élément à charge et cause de ce fait grief à l’intéressé. La restriction de la possibilité d’invoquer une telle...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :