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Questions à Jean-Paul Costa, président de la Cour européenne des droits de l’homme

Le 19 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme aura, pour la première fois depuis René Cassin il y a quarante ans, un président français. L’élu, Jean-Paul Costa, a accepté de répondre aux questions de l’AJDA sur l’impact de la jurisprudence de la juridiction strasbourgeoise sur le droit français.

par B. Lapouillele 5 février 2007

Vous prenez dans quelques jours la présidence d’une juridiction qui a fait souvent l’objet de critiques vives de la part de certains juristes français. Quelles sont les causes, à votre sens, de cette incompréhension ?

Je pense que cela vient d’abord du fait que la France, qui pourtant a été à l’origine de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, l’a ratifiée tardivement et qu’elle a moins rapidement assimilé la Convention ou la jurisprudence de la Cour que, par exemple, le Royaume-Uni ou les pays scandinaves qui avaient été présents très tôt. Ensuite, il faut bien se rendre compte que des institutions comme le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation ont l’impression, sans doute justifiée, de défendre les droits de l’homme depuis deux siècles et se sont probablement dit, plus ou moins consciemment : on n’a pas besoin d’une cour européenne pour nous donner des leçons.

Pour ces deux raisons principales, il y a en effet une incompréhension, que je vais m’efforcer de dissiper au maximum dans mes nouvelles fonctions.

Comment peut-on dissiper cette incompréhension ?

J’ai toujours beaucoup cru au dialogue des juges. C’est une expression qui avait été utilisée par Bruno Genevois dans l’affaire Cohn-Bendit. Je crois qu’une amorce de dialogue s’est ébauchée entre la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme et j’ai bon espoir que la même chose se produise avec le Conseil d’Etat.

Quand j’ai quitté le Conseil d’Etat, il y a huit ans, la Cour de Strasbourg et sa jurisprudence, c’était le diable, maintenant, on les a intégrées presque complètement. Ainsi, concernant l’article 6, sur les validations législatives, le Conseil d’Etat, et même le Conseil constitutionnel ont complètement suivi la Cour. De la même façon, dans l’affaire Diop , le Conseil d’Etat a anticipé la jurisprudence de Strasbourg sur l’article 1er du premier protocole. C’est une attitude nouvelle dont je me réjouis. C’est un changement de perspective qui correspond aussi sans doute à un changement des mentalités.

On a cependant le sentiment que ce dialogue des juges est parfois un peu cacophonique…

Il y a eu des conflits souvent épidermiques… Je prends volontiers souvent l’exemple de l’arrêt Dulaurans , où la Cour de cassation avait omis d’examiner un moyen et où nous avons eu le tort d’employer le terme d’erreur manifeste d’appréciation. Cela a créé un conflit terrible avec la Cour de cassation, qui n’était pas très satisfaite d’être censurée, et en plus avec une expression tirée de la...

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