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Réaffirmation du principe de compétence-compétence en matière d’arbitrage international

La première Chambre civile de la Cour de cassation rappelle, à propos d’un litige entre la Banque des règlements internationaux et certains de ses actionnaires privés, qu’il appartient à l’arbitre de se prononcer par priorité, sous le contrôle du juge de l’annulation, sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage.

par X. Delpechle 5 juin 2006

Le droit de l’arbitrage nous offre depuis quelques mois de très grands arrêts, qui ont affirmé, pêle-mêle, l’obligation pour l’arbitre de respecter le principe de la contradiction (Cass. 1re civ., 14 mars 2006, D. 2006, IR p. 943 ), ou la compétence du juge étatique français dès lors qu’il y a un risque de déni de justice et un rattachement du litige, même ténu, avec la France (Cass. 1re civ., 1er févr. 2005, Bull. civ. I, n° 53 ; D. 2005, Jur. p. 2727, note S. Hotte  ; RTD com. 2005, p. 266, obs. E. Loquin  ; Rev. crit. DIP 2006, p. 140, note T. Clay ; Rev. arb. 2005, p. 693, note H. Muir Watt). C’est aujourd’hui cette règle fondamentale de la compétence de l’arbitre pour statuer sur sa propre compétence dont il est aujourd’hui question, plus connue sous le nom du principe de compétence-compétence.

I. Quoique cette règle soit inscrite dans la loi (NCPC, art. 1458), les tribunaux en ont affiné le sens et élargi la portée. La jurisprudence semble aujourd’hui parvenue à un point d’aboutissement. Dans son – déjà célèbre – arrêt Lindos, elle a, en effet, énoncé avec force qu’« il appartient à l’arbitre de se prononcer par priorité, sous le contrôle éventuel du juge de l’annulation, sur sa compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause d’arbitrage », règle qu’elle qualifie elle-même de « règle matérielle du droit de l’arbitrage » (Cass. 1re civ., 22 nov. 2005, D. 2005, IR p. 3031  ; DMF. 2006, p. 16, note P. Bonassies). Cette formulation a été reprise dans les mêmes termes quelques mois plus tard par la Chambre commerciale (Cass. com., 21 févr. 2006, navire Pella, D. 2006, IR p. 670  ; DMF. 2006, p. 379, note Ph. Delebecque), puis, à nouveau aujourd’hui, par la première Chambre civile.

Cela ne signifie pas que toute compétence est déniée au juge étatique en la matière. Simplement, la jurisprudence instaure une hiérarchie. Le juge étatique (ou plus exactement, en l’occurrence, le juge consulaire, puisque c’est le tribunal de commerce de Paris qui avait été saisi et qui a décliné sa compétence) n’est pas totalement « hors jeu » (ainsi que le traduit la formule « par priorité »). Si, en amont, avant que le litige soit tranché au fond, la compétence est contestée par l’une ou l’autre des parties, elle confère un monopole à l’arbitre, sauf si la pathologie qui affecte la clause ne fait aucun doute. C’est alors le juge étatique qui retrouve sa compétence, avant d’avoir à trancher l’affaire au fond (car la clause compromissoire ne peut plus recevoir application). Le recours à l’arbitre est alors superfétatoire, car, même si l’on lui reconnaissait le pouvoir de constater cette pathologie, il ne serait de toute façon pas compétent pour connaître du litige. Des raisons d’opportunité commandent donc cette solution (gain de temps, coûts, éviter des manœuvres dilatoires de la part de celui, qui,...

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