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Surveillance par géolocalisation : une ingérence nécessitant le contrôle d’un juge

Si une surveillance par géolocalisation d’un téléphone mobile peut être mise en place sur autorisation et sous le contrôle du juge d’instruction, il en est autrement dans le cadre d’une enquête préliminaire diligentée sous le contrôle du procureur de la République, dès lors qu’une telle technique constitue une ingérence dans la vie privée dont la gravité nécessite qu’elle soit exécutée sous le contrôle d’un juge.

par Mélanie Bombledle 5 novembre 2013

La géolocalisation est un ensemble de techniques permettant de surveiller les déplacements d’un individu. Une telle méthode est de plus en plus fréquente en matière d’enquête pénale, qu’il s’agisse de la géolocalisation d’un véhicule via l’apposition d’un récepteur GPS ou directement d’une personne physique par le biais de son téléphone portable. Pour autant, aucune disposition législative ne vient régir la matière, si bien que la question de la validité d’une telle méthode peut être posée à tous les stades de la procédure, dès lors qu’elle constitue une ingérence dans la vie privée du mis en cause.

À cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme est venue préciser, dans un arrêt rendu en 2010, qu’un tel procédé ne méconnaissait pas le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, à condition toutefois que la mesure de surveillance soit subordonnée au respect de strictes conditions et limitée à des circonstances particulières. Notamment, la mesure ne peut être autorisée que pour des infractions particulièrement graves et dès lors qu’aucune autre mesure d’investigation, moins attentatoire à la liberté individuelle, n’est envisageable. Par ailleurs, une telle mesure doit être prévue par la loi, dans des termes suffisamment clairs pour indiquer à tous de manière suffisante en quelles circonstances et sous quelles conditions l’autorité publique est habilitée à y recourir (CEDH 2 sept. 2010, req. n° 35623/05, Uzun c. Allemagne, Dalloz actualité, 20 sept. 2010, obs. S. Lavric ; RSC 2011. 217, obs. D. Roets  ; JCP 2010. 905, obs. Grabarczyk ; JCP 2011. 94, obs. F. Sudre).

Or c’est justement là que résident les lacunes de la législation française : aucune disposition particulière n’existe s’agissant de la surveillance par géolocalisation. Dès lors, une telle pratique peut-elle se voir valider ? C’est à cette question que viennent répondre deux arrêts rendus par la chambre criminelle le 22 octobre 2013.

Dans les deux espèces concernées, une enquête préliminaire avait été ouverte, pour l’une, du chef d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme, pour l’autre, du chef de trafic de stupéfiants. Dans ce cadre, les officiers de police judiciaire, autorisés par le procureur de la République, avaient adressé à des opérateurs de téléphonie des demandes de localisation géographique en temps réel des téléphones mobiles utilisés par les individus mis en cause. À la suite de l’ouverture d’une information judiciaire, le juge d’instruction saisi des faits de la première espèce avait fait procéder, par commission rogatoire, à de nouvelles mesures de géolocalisation des téléphones mobiles. Chacun des intéressés avait cependant présenté une requête aux fins d’annulation des mesures prévoyant sa géolocalisation et des actes subséquents, motif pris du défaut de fondement légal de la mise en place d’un tel dispositif, tant en matière d’enquête préliminaire qu’en matière d’instruction préparatoire.

La chambre de l’instruction avait toutefois rejeté les demandes. S’agissant, d’une part, des mesures de surveillance par géolocalisation ordonnées dans le cadre de l’enquête préliminaire, elle avait considéré qu’une telle méthode trouvait son fondement dans les textes généraux sur la police judiciaire et le procureur de la République, à savoir les articles 12, 14 et 41 du code de procédure pénale. Il résulte, en effet, de la combinaison des articles 12 et 14 que la police judiciaire, exercée sous la direction du procureur de la République, est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs. L’article 41 indique, quant à lui, que « le...

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