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Congés payés : extension aux usagers de centres d’aide par le travail ?

La Cour de cassation interroge la Cour de justice de l’Union européenne sur la possibilité de faire bénéficier un usager d’un centre d’aide par le travail d’un congé annuel payé sur le fondement de l’article 7 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

par Bertrand Inesle 20 juin 2013

La Cour de cassation décide de renvoyer l’affaire dont elle a été saisie, relativement à la possibilité pour un usager d’un centre d’aide par le travail de bénéficier d’un congé annuel payé, à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Elle lui défère, plus particulièrement, la question de savoir si ces personnes relèvent du statut de travailleur au sens du droit de l’Union européenne alors qu’elles se trouvent dans une structure aménagée aux fins de les faire accéder à une vie tant sociale que professionnelle et qu’elle se trouvent incapables d’exercer dans le secteur ordinaire de production ou en atelier protégé et si, dans l’affirmative, les intéressés sont fondés dans un litige entre particuliers à se prévaloir des dispositions de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne telles que précisées par celles de l’article 7 de la directive n° 2003/88/CE du parlement européen et du conseil, du 4 novembre 2003, aux fins de voir écarter toute disposition nationale contraire faisant obstacle à l’applicabilité de ce droit.

La démarche de la Cour est totalement légitime puisqu’elle est confrontée à deux séries de difficultés.

D’un côté, le droit de l’Union européenne tend à promouvoir le droit au congé quand un travail, quel qu’il soit, est accompli et oblige les juges nationaux à en assurer la pleine effectivité. Ainsi, de jurisprudence constante, le congé annuel a la valeur d’un principe du droit social de l’Union européenne revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé (CJCE, 26 juin 2001, BECTU, aff. C-173/99, Rec. CJCE, p. I-4881, pt 43 ; D. 2002. 444 , note J.-L. Clergerie ; CJUE, 22 nov. 2011, KHS, aff. C-214/10, pt 23 ; RDT 2012. 371, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2012. 490, obs. S. Robin-Olivier ). Il reçoit, en outre, consécration au sein même de la Charte précitée, en son article 31, ainsi que dans une directive (art. 7, dir. n° 2003/88/CE, 4 nov. 2003, préc. ; JOUE, n° L 299, 18 nov. 2003, p. 9) qui non seulement oblige tout État membre à prendre les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un tel congé dont la durée est en principe de quatre semaines mais doit encore être mise en œuvre à la lumière de cette Charte (art. 51, § 1, et 52, § 5, Charte préc.). Les juridictions nationales sont, de surcroît, tenues d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables des dispositions du droit de l’Union et de garantir le plein effet de celles-ci (CJCE, 5 oct. 2004, Pfeiffer, aff. C-397/01, Rec. CJCE, p. I-8835, pt 111 ; AJDA 2004. 2261, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; Europe 2004. Comm. 404, obs. L. Idot ; CJUE, 19 janv. 2010, Kücükdeveci, aff. C-555/07, Rec. CJUE, p. I-365, pt 45 ; AJDA 2010. 248, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; RDT 2010. 237, obs. M. Schmitt ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron ; ibid. 599, chron. L. Coutron ; ibid. 673, chron. S. Robin-Olivier ; ibid. 2011. 41, étude E. Bribosia et T. Bombois ; RMCUE 2013. 313, chron. Ekaterini Sabatakakis ). Compte tenu de ces impératifs, il pourrait paraître légitime qu’un travailleur, quand bien même ses capacités s’avèreraient amoindries, puisse bénéficier d’un droit à congé payé. Il se trouve que les handicapés accueillis par des centres d’aide par le travail exercent une activité à caractère professionnel (CASF, art. L. 344-2) au profit d’une structure qui poursuit a minima une activité productive (F. Mananga, Le statut du travailleur handicapé mental en Établissement ou Service d’Aide par le Travail (ESAT) et l’application du droit du travail, RDT 2008. 89 ).

D’un autre côté, cependant, la Cour de justice semble verrouiller l’application du droit de l’Union, et ce, à deux niveaux.

D’abord, elle retient a priori une conception extensive de la notion de « travailleur ». Celle-ci revêt une portée autonome et de ne doit pas être interprétée de manière restrictive (CJCE, 3 juill. 1986, Lawrie-Blum, aff. C-66/85, Rec. CJCE, p. 2121, pt 16 ; 23 mars 2004, Collins, aff. C-138/02, Rec. CJCE, p. I-2703, pt 26 ; AJDA 2004. 1076, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; ibid. 2005. 1108, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2005. 2187 , obs. C. Willmann, J.-M. Labouz, L. Gamet et V. Antoine-Lemaire ; Europe 2004. Comm. 134, obs. L. Idot). Elle est d’ailleurs visée par la Charte la directive précitées comme une condition à part entière de l’octroi d’un droit à congé. La notion de « travailleur » reste toutefois étroitement liée à l’existence d’une relation de travail salariée (P. Coursier, La notion de travailleur salarié en droit social communautaire, Dr. soc. 2003. 305 ). Est donc exigé du travailleur qu’il exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires, et de la relation de travail qu’elle traduise l’accomplissement, pendant un certain temps, de prestations, par une personne en faveur d’une autre et sous la direction de cette dernière, en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (CJCE, 7 sept. 2004, Trojani, aff. C-456/02, Rec. CJCE, p. I-7573, pt 15 ; AJDA 2005. 1108, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2004. 2545 ; RDSS 2005. 245, note F. Kessler  ; Europe 2004....

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