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Reportage 

Le délégué du Défenseur des droits, un allié de proximité face aux administrations

Sur le terrain, le Défenseur des droits est incarné par des délégués. 570 hommes et femmes, souvent retraités, incarnent l’institution indépendante chargée de faire respecter les droits des citoyens par les administrations et organismes publics. Un ou deux jours par semaine, les délégués accueillent les habitants et tentent de les sortir d’impasses. Reportage, début juillet, au point d’accès au droit du 19e arrondissement de Paris, au pied des tours de la place des Fêtes.

par Anaïs Coignac, Journalistele 21 septembre 2023

Litige en préfecture : renouveler un titre de séjour

« Qu’est-ce que vous attendez de moi ? » La question surgit au milieu de l’entretien, le troisième de cette chaude après-midi d’été. Jean Launay, délégué du Défenseur des droits, s’adresse à une femme entièrement vêtue de noir : gilet, chemisier, sac à main, chignon. D’origine albanaise, peu à l’aise avec le français, elle est venue avec une interprète dans son petit bureau du 19e arrondissement, dans le nord-est parisien – « un quartier populaire », avait-il précisé. La requérante, titulaire d’un titre de séjour, craint de perdre le logement qu’elle loue ainsi que son emploi de femme de ménage dans un hôpital public de la petite couronne francilienne. L’échange bute sur les causes de son expulsion. À force de questions, le délégué finit par comprendre : le propriétaire souhaite reprendre son appartement pour y installer sa fille et, faute de papiers, la locataire craint de se retrouver à la rue. La Préfecture n’a pas réagi à sa première démarche lancée pour renouveler son titre de séjour. Le délégué suggère de faire un référé utile avec un avocat en droit administratif, en sollicitant l’aide juridictionnelle. « Cela obligera le préfet de police à se prononcer mais ça je ne peux pas le faire à votre place », explique-t-il. « Cette dame a un contrat de travail, elle cotise, a des fiches de paie mais elle risque de perdre tous ses droits à 60 ans, alors qu’elle est déjà veuve ! », s’insurge l’interprète qui démêle « depuis trente ans » les affaires de ses concitoyens. « Vous prêchez un converti », lui répond-il. « A-t-elle une idée de ce pourquoi ça coince ? — Non, c’est pour ça qu’elle a demandé à vous voir ». La traductrice se retourne vers la femme qui demeure silencieuse. Quelques mots résonnent en Français : « préfecture Barbès … », « récepissé… ». Là encore, en poussant l’échange, l’information finit par émerger : le patron refuse de fournir à son employée une attestation. L’interprète confirme : « Au téléphone, j’ai tout essayé, je me suis énervée mais il n’y a rien eu à faire. Il n’a rien voulu entendre ». En face, le délégué fait les gros yeux. « Bon mais vous auriez pu me le dire tout de suite, on a perdu vingt minutes. » Les deux femmes s’enquièrent de la suite : comment réagir ? Porter plainte ? « Ça ne servira à rien. Il faut saisir l’inspection du travail. — Mais ça va mettre deux ans. — Non, ils sont très réactifs. On va essayer de passer en force. Je vais faire une photocopie de cette fiche de paie pour l’envoyer au préfet et lui prouver que cette dame travaille. » L’entretien se clôt sur la promesse de se recontacter rapidement. Il aura duré une trentaine de minutes. « Je vous tiens au courant », promet le bénévole.

Le droit des étrangers : première cause de réclamations

Parmi les réclamations reçues en 2022 par les délégués de Paris, en matière de défense des droits des usagers de service public, 32 % concernaient la protection sociale et la sécurité sociale, 11 % le droit routier et 30 % les droits des étrangers. Ce dernier contentieux a explosé entre 2019 et 2022 : + 388 % à Paris, + 450 % en Île-de-France. Le dernier rapport du Défenseur des droits, institution indépendante incarnée par Claire Hédon, pointe l’augmentation très importante des atteintes aux droits fondamentaux des...

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