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Dossier 

Droit économique : nouveaux pouvoirs de contrôle et de sanction

En France, peut-être encore plus qu’ailleurs, la régulation de l’économie passe par une réglementation accrue et un encadrement strict de l’activité des intervenants sur le marché.

Dernière grande réforme en date, la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août 2008 avait profondément modifié notre économie, principalement par le biais de mesure visant les relations entre professionnels (RTD com. 2008. 720, obs. J.-C. Galloux ).

Depuis l’annonce, courant 2013, d’un projet de loi sur la consommation (dit projet de loi « Hamon ») une nouvelle grande réforme du Droit économique est désormais imminente.

Déposé à l’Assemblée nationale le 2 mai 2013 et largement débattu depuis (Dalloz actualité, 20 sept. 2013, obs. X. Delpech), ce projet de loi vise à mettre en œuvre l’engagement du président de la République et du gouvernement en faveur de nouveaux outils de régulation économique pour rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels.

De l’aveu du ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, cette réforme a été conçue « en faisant le choix assumé d’une rupture avec certains dogmes économiques qui faisaient du consommateur un agent par définition rationnel, apte à faire valoir ses droits par lui-même » (sic.) (Discours de présentation du projet de loi, mai 2013)

À ce titre, le texte prévoit, notamment, la mise en place d’une action de groupe, une réforme des dispositions relatives au surendettement des ménages, de celles relatives à l’information des consommateurs ou encore à la garantie légale de conformité.

Pour s’assurer de l’efficacité des mesures projetées, maître-mot de ce projet de loi, le texte opère un renforcement et un élargissement des compétences de l’administration pour sanctionner plus rapidement et plus durement les infractions aux (nouvelles) dispositions du code de la consommation et du code de commerce.

Le 16 décembre 2013, soit quelques jours avant l’adoption du texte, en deuxième lecture, par les sénateurs, la Convention Dalloz Avocat qui se déroulait au Cercle national des armées à Paris, consacrait plusieurs ateliers à l’actualité du droit de la consommation et des relations commerciales.

À l’occasion de cette journée dédiée aux avocats, M. Jean-Christophe Grall, avocat au barreau de Paris (cabinet d’avocats Grall & associés), intervenait pour éclaircir les praticiens sur le renforcement des pouvoirs de l’administration dans le domaine du droit économique.

L’atelier sur lequel s’appuie le présent dossier était articulé autour de deux aspects particuliers du projet de loi, à savoir la réforme des pouvoirs de contrôle et de sanction en matière de protection des consommateurs (I), ainsi qu’en matière de relations entre professionnels (II).

par Julien Mourrele 18 février 2014

I. - La réforme des pouvoirs de contrôle et de sanction en matière de protection des consommateurs

L’intervention de Me Grall fut d’abord l’occasion d’envisager le renforcement des sanctions et des pouvoirs d’enquête de l’administration opéré par le projet de loi en matière de protection du consommateur.

En effet, ce texte projette de doter les services de l’État de nouvelles compétences afin qu’ils puissent relever et sanctionner plus efficacement les infractions aux règles du code de la consommation.

Sur ces aspects, les services de l’État compétents s’entendent principalement des directions départementales interministérielles (anciennement DDCCRF), issues de la réorganisation des compétences de l’État et de la révision générale des politiques publiques initiée en 2007 (D. 2010. 790, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ) ainsi que des agents listés à l’article L. 215-1 du code de la consommation.

Schéma 1

Ces agents voient leurs pouvoirs d’enquête (A) et de sanction (B) renforcés de manière substantielle.

A. - Le renforcement des pouvoirs d’enquête de l’administration

Dans l’objectif d’améliorer la protection des consommateurs, le projet de loi renforce les pouvoirs d’enquête des agents chargés de contrôler, sur le terrain, le respect des dispositions du code de la consommation.
Ce renforcement des pouvoirs d’enquête passe par l’élargissement du champ de compétences de l’administration (1) mais également par le renforcement de son pouvoir d’injonction (2) et des mesures de police administrative (3).

1. - L’élargissement du champ des compétences de l’administration

a. - L’élargissement du champ des compétences général de l’administration

En premier lieu, le projet de loi envisage d’élargir le champ d’intervention de l’administration pour rechercher et constater les entorses aux infractions prévues au Livre I du code de la consommation.

S’il devait être adopté en l’état, ce texte modifiera l’article L. 141-1 du code de la consommation en rallongeant la liste des infractions et manquements susceptibles d’être recherchés et notamment :

  • l’obligation générale d’information des consommateurs ;
  • les ventes forcées par correspondance ;
  • les contrats conclus dans les foires et salons ;
  • la réglementation des crédits ;
  • les produits et équipements à risques destinés aux consommateurs.

Par ailleurs, le nouvel article L. 141-1 renforcera la coopération entre l’administration et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) puisqu’il y est proposé d’habiliter les Agents à constater, au cours de leurs contrôles, les manquements et infractions à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et de leur donner la possibilité de les signaler à la CNIL qui pourra alors prendre les sanctions appropriées.

Enfin, dans sa nouvelle rédaction, le futur article L. 141-1 V du code de la consommation viendrait préciser que les infractions et les manquements relevés par les agents devront être constatés par des procès-verbaux qui feront foi jusqu’à preuve contraire.

b. - L’élargissement du champ de compétence spécifique de l’administration

Le projet de loi prévoit également de doter l’administration de nouveaux moyens d’investigations pour rechercher et constater les contraventions aux dispositions du Livre II du code de la consommation (art. L. 211-1 s.). Ces dispositions concernent spécifiquement la règlementation relative à la sécurité et à la conformité des produits ainsi que les comportements constitutifs de fraude, de falsification et de tromperie.

Parmi ces nouvelles dispositions, l’article L. 215-3-3 habiliterait les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à relever l’identité de la personne qu’ils contrôlent. Si celle-ci refuse ou se trouve dans l’impossibilité de justifier de son identité, les agents pourront en rendre compte immédiatement à un officier de police judiciaire compétent, à qui il appartiendra alors de procéder à une vérification d’identité.

De même, l’article L. 215-3 du code de la consommation devrait être modifié afin d’y inclure la possibilité pour les agents mentionnés à l’article L. 215-1, de requérir l’ouverture de tout emballage lorsque celle-ci s’avère nécessaire à l’accomplissement de leur mission.

Surtout, le futur article L. 215-3-4 du code de la consommation prévoit que ces mêmes agents pourront désormais, lorsque l’établissement de la preuve de l’infraction ou du manquement en dépend, « différer le moment où ils déclinent leur qualité au plus tard jusqu’à la notification à la personne contrôlée de la constatation de l’infraction ou du manquement » (al. 1er). Dans le cadre de la fourniture de services sur internet, ces agents pourront faire usage d’un nom d’emprunt pour le contrôle de la vente des biens (al. 2).

Autrement dit, le projet de loi autorise désormais les agents de la DGCCRF à recourir à la pratique dite « du client mystère » et du « cyber-client mystère ».

Dans les enquêtes administratives, cette innovation constituera sans aucun doute un instrument redoutable et une preuve, s’il en faut, de l’objectif d’efficacité de la répression chère au gouvernement.

Autre nouveauté issue de cette réforme, les agents de la CCRF, devraient être autorisés, pour la recherche et la constatation des infractions figurant au Livre II du code de la consommation et à la demande du ministre chargé de l’économie, de procéder à des opérations de visite et de saisie « en tous lieux » (C. consom., nouv. art. L. 215-18).

Au terme d’une procédure d’autorisation qui conditionne la légalité de ces opérations, les agents de...

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