Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Interdiction du ouï-dire : les accommodements de la Cour de Strasbourg

La déposition d’un témoin non confronté peut constituer la preuve unique ou déterminante d’une condamnation pénale sous réserve qu’elle soit contrebalancée par des garanties procédurales solides. 

par O. Bacheletle 6 janvier 2012

Bien qu’elle affirme que « la recevabilité des preuves relève au premier chef des règles du droit interne » (V. not. CEDH 12 juill. 1988, Schenk c. Suisse, n° 10862/84, Dalloz jurisprudence), la Cour européenne des droits de l’homme n’hésite pas à considérer certaines preuves comme irrecevables dès lors qu’elles heurtent frontalement les droits et libertés protégés par la Convention. En particulier, appliquant l’article 6, § 3, d), de la Convention, la Cour affirmait, jusque-là, que l’absence de toute confrontation du requérant avec un témoin à charge déterminant le privait d’un procès équitable (V. par ex. CEDH 20 sept. 1993, Saïdi c. France, n° 14647/89, D. 1995. 104, obs. J.-F. Renucci ; RSC 1994. 142, obs. L.-E. Pettiti ; ibid. 362, obs. R. Koering-Joulin ), ce qui impliquait l’irrecevabilité d’une telle preuve par ouï-dire. Pourtant, avec l’arrêt Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni, la grande chambre de la Cour européenne vient nettement infléchir cette jurisprudence.

En effet, la Cour rappelle que, lorsqu’elle examine un grief tiré de l’article 6, § 1er, de la Convention, elle « doit essentiellement déterminer si la procédure pénale a revêtu, dans son ensemble, un caractère équitable ». Ce rappel lui permet d’affirmer que, comme les autres garanties procédurales, le droit à la confrontation « ne va pas sans exceptions ». Néanmoins, la conventionnalité de telles exceptions implique le respect de deux exigences : « premièrement, l’absence d’un témoin doit être justifiée par un motif sérieux ; deuxièmement, lorsqu’une condamnation se fonde uniquement ou dans une mesure déterminante sur des dépositions faites par une personne que l’accusé n’a pu interroger ou faire interroger ni au stade de l’instruction ni pendant les débats, les droits de la défense peuvent se trouver restreints d’une manière incompatible avec les garanties de l’article 6 ».

Pour autant, la Cour estime que cette règle de la preuve « unique ou...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :