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Abus du salarié dans l’usage de sa liberté d’expression

Les messages injurieux et excessifs bénéficient d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail. Leur contenu étant en rapport avec son activité professionnelle, ils ne revêtaient pas un caractère privé, peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publics. Ils pouvaient donc être retenus au soutien d’une procédure disciplinaire.

Sept ans après son recrutement, un salarié recruté en qualité de « business unit manager » avant de devenir par ailleurs conseiller de l’employeur est licencié pour faute lourde après avoir tenu des propos très critiques et dénigrants sur sa société, en tant que personne morale, et ses nouveaux dirigeants, en tant que personnes physiques. Contestant cette rupture, le requérant n’obtient devant les juges du fond que très partiellement gain de cause avec une requalification de la faute lourde en faute grave lui permettant d’échapper à l’engagement de sa responsabilité civile faute de caractériser l’existence d’une intention de nuire.

Jugeant insuffisante cette décision qui le prive des indemnités de rupture, de licenciement et de préavis, il intente un pourvoi dans lequel, sur le fondement de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression, il déplore que ses critiques relatives à la gestion du personnel d’encadrement et ses propos relatifs aux contentieux opposant d’anciens collaborateurs à la structure soient sanctionnées par la rupture de son contrat. Publié au Bulletin, l’arrêt commenté de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 décembre 2024 rejette le pourvoi.

Rappel du principe et de ses limites

L’arrêt rappelle en premier lieu le principe selon lequel il résulte de l’article L. 1121-1 du code du travail que, sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression. Tout salarié a ainsi le droit de critiquer ses conditions de travail (Soc. 11 oct. 2023, n° 22-15.138, JCP S 2023. 1336, note T. Lahalle). N’est pas non plus abusif, en soi, l’envoi d’une lettre par un cadre aux dirigeants de la société pour critiquer une nouvelle organisation administrative (Soc. 27 mars 2013, n° 11-20.721, RJS 6/2013, n° 453). Dans le même esprit, est dans son rôle, le directeur fiscal qui alerte son employeur sur les conséquences fiscales et pénales d’un contrat de cession de parts avec une banque (Soc. 16 févr. 2022, n° 19-17.871, Dalloz actualité, 18...

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