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Accès partiel aux activités professionnelles des avocats

Rejet des demandes d’annulation pour excès de pouvoir de l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées.

par Gaëlle Deharole 15 février 2019

Les conditions d’accès à la profession d’avocat (Dalloz actualité, 20 nov. 2013, obs. C. Fleuriot isset(node/163165) ? node/163165 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>163165) sont fixées par les articles 11 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 42 et suivants du décret n° 91-197 du 27 novembre 1991. Plus précisément, l’article 11 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit que nul ne peut accéder à la profession d’avocat s’il ne remplit les conditions de diplômes et de probité prévues par le texte (Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. G. Deharo isset(node/190867) ? node/190867 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190867). Plus précisément, trois voies d’accès coexistent pour accéder à la profession : la voie classique, par l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA), les voies dérogatoires et l’accès à l’exercice en France de la profession d’avocat pour les avocats étrangers.

C’est dans ce cadre que, transposant la directive 2005/36/CE, modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013, l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles de professions réglementées entendait ouvrir l’accès partiel à la profession d’avocat pour les activités de consultation juridique ou de rédaction d’actes sous seing privé.

Plusieurs recours furent formés contre cette ordonnance par la profession qui saisit le Conseil d’État aux fins d’annulation, pour excès de pouvoir, de l’ordonnance et, en particulier, de son article 25.

Cet article prévoit l’insertion dans la loi du 31 décembre 1971 d’un titre V relatif à l’accès partiel à la profession d’avocat en France par les ressortissants des États membres de l’Union européenne ayant acquis leur qualification dans un autre État membre. Plus spécialement, l’article 93 ainsi inséré prévoit que « les dispositions du présent titre sont applicables aux professionnels qui ne peuvent accéder à la profession d’avocat ou l’exercer dans son intégralité sous leur titre d’origine en application des directives 77/249/ CE du 22 mars 1977 tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, 98/5/CE du 16 février 1998 visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise ou 2005/36/ CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ». Le mécanisme repose sur une demande portée devant le garde des Sceaux, ministre de la justice, qui accorde un accès partiel à la profession d’avocat pour les activités de consultation juridique ou de rédaction d’actes sous seing privé lorsque les trois conditions suivantes sont remplies : 

  1. le professionnel est pleinement qualifié pour exercer dans un État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen l’activité professionnelle pour laquelle un accès partiel est sollicité ;
     
  2. les différences entre l’activité professionnelle légalement exercée dans l’État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen et la profession d’avocat sont si importantes que l’application de mesures de compensation, au sens de l’article 14 de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005 modifiée, reviendrait à imposer au demandeur de suivre le programme complet d’enseignement et de formation requis par les dispositions des 2° et 3° de l’article 11 de la présente loi pour avoir pleinement accès à la profession ;
     
  3. l’activité professionnelle peut être exercée de manière autonome dans l’État membre d’origine.
     

Il est prévu que le demandeur à un établissement en France peut être soumis à une épreuve d’aptitude, que l’accès partiel peut être refusé pour des raisons impérieuses d’intérêt général si ce refus est proportionné à la protection de cet intérêt ou sur le fondement des dispositions des 4°, 5° et 6° de l’article 11 ou pour un autre motif tiré d’une atteinte à l’ordre public. La décision du ministre qui accorde l’accès partiel précise le champ des activités professionnelles ouvertes au demandeur (L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 94). Il est enfin précisé que le professionnel autorisé à accéder partiellement à la profession d’avocat pour les activités de consultation juridique ou de rédaction d’actes sous seing privé ne fait pas partie d’un barreau et n’est pas inscrit au tableau des avocats (ibid., art. 95).

Les différents moyens soutenus par la profession pour obtenir l’annulation de cette directive sont rejetés par le Conseil d’État qui valide ainsi l’ordonnance n° 2016-1809 du 22 décembre 2016.

Le Conseil d’État rejette en effet le moyen tiré de l’illégalité de l’ordonnance consécutivement à l’inconstitutionnalité de la loi d’habilitation. Il souligne également que la directive ne prévoit pas la faculté mais l’obligation de transposer le dispositif de l’accès partiel à la profession. Les juges retiennent encore que les dispositions litigieuses accordent un accès aux seules activités de consultation juridique ou de rédaction d’actes sous seing privé exercées en France par les avocats ainsi que par d’autres professions sans donner accès à la profession dans son ensemble. La critique de l’ordonnance portant sur la désignation du ministre de la justice comme autorité compétence pour autoriser l’accès partiel, alors que cette compétence aurait dû revenir, selon le moyen, au Conseil national des barreaux, est également rejetée et le Conseil d’État souligne dans cette perspective la possibilité pour la profession de former un recours contre les décisions autorisant l’accès partiel ainsi que les obligations déontologiques auxquels les professionnels seront soumis. Il faut encore rappeler que, selon la décision du Conseil d’État, « le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un comme dans l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la norme qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ». Enfin, on notera que le Conseil d’État relève que sa décision prend ancrage dans le principe de la liberté d’entreprendre et que « le principe de sécurité juridique n’a pas pour objet d’imposer que les activités de consultation juridique et de rédaction d’actes sous seing privé soient réservées à des personnes relevant d’une profession réglementée ».