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Actualité du droit des entreprises en difficulté : quoi de neuf au cours du premier trimestre 2022 ?

Cet article dresse un panorama des principaux évènements de ce début d’année 2022 en droit des entreprises en difficulté. Outre la jurisprudence, les plus significative en la matière, il présente brièvement les réformes en cours et à venir en lien avec le droit des entreprises en difficulté, qu’il s’agisse du nouveau statut de l’entrepreneur individuel ou du nouveau titre exécutoire.

par Georges Teboul, Avocat AMCOle 9 mai 2022

I. Les réformes

A. La ratification de la réforme du livre VI

Un projet de loi a été préparé pour demander la ratification des ordonnances n° 2021-1192 et 2021-1193 du 15 septembre 2021 sur la réforme du droit des sûretés et sur la modification du livre VI du code de commerce. Le directeur des affaires civiles et du Sceau avait annoncé fin janvier, lors des entretiens de la sauvegarde, que ce projet de loi ne serait pas mis à l’ordre du jour avant les élections. En effet, cette réforme sera sans doute complétée à cette occasion (v. proposition de loi ratifiant, modifiant et complétant l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, Doc. Sénat, n° 170, 16 nov. 2021 ; projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 sept. 2021 portant réforme du droit des sûretés et l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 sept. 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, Doc. Sénat, n° 326, 5 janv. 2022).

B. La réforme des sûretés

1. Publicité des mesures d’inaliénabilité

Il n’est évidemment pas question ici d’entrer dans le détail de cette réforme mais de signaler une innovation intéressante parmi d’autres : au 1er janvier 2023, la publicité des mesures d’inaliénabilité d’un bien en procédure collective sera mentionnée sur le nouveau registre des sûretés mobilières, en précisant la durée de cette mesure et l’aptitude du bien à être déplacée (Décr. n° 2021-1887 du 29 déc. 2021, art. 1er et 3 ; JO 30 déc. ; C. com., art. R. 521-1 nouv., art. R. 626-25 et R. 642-12 mod.).

2. modification du calendrier

Un récent décret du 25 janvier 2022 a modifié la date d’abrogation de la publicité des nantissements de l’outillage du matériel d’équipement (Décr. n° 2022-245, 25 févr. 2022, JO 6 févr.). Désormais, les dispositions relèvent des articles 2336 et suivants du code civil.

Un précédent décret n° 2021-1888 du 29 septembre 2021, édicté suite à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés avait abrogé les dispositions réglementaires et les dispositions sur ce type de nantissement demeuraient valables jusqu’au 31 décembre 2022.

Le décret d’application du 25 février 2022 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire précise que cette inscription des gages, des stocks et nantissements de l’outillage et du matériel d’équipement, constituée jusqu’au 31 décembre 2021 produit ses effets, alors même qu’elle a été effectuée après cette date (Décr. n° 2022-245 du 25 févr. 2022, JO 26 févr.). Il faut se référer pour cela à l’article 2 du décret modifiant l’article 7 du décret du 29 décembre 2021. La clarté n’y trouve pas son compte mais ce repêchage pourra apparaître bienvenu, compte tenu des incertitudes qui subsistaient.

C. Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 (JO 15 févr.) a créé un nouveau statut de l’entrepreneur individuel distinguant son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel. Quelques points saillants méritent d’être signalés :

• en premier lieu, à partir du 15 février 2022, le statut d’EIRL ne pourra plus être adopté en affectant à l’activité professionnelle un patrimoine séparé du patrimoine personnel. Cependant, si le patrimoine affecté a déjà été constitué, une affectation ou un retrait restent possibles ;

• la défaillance de l’entrepreneur individuel est prévue par cette loi et les modifications entrent en vigueur dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi du 14 février 2022, soit le 15 mai 2022. Les dispositions concernant le livre VI du code de commerce ne s’appliqueront pas aux procédures en cours à cette date. Le nouveau statut s’appliquera aux créances nées après le 15 mai 2022.

Désormais, le patrimoine professionnel est séparé de plein droit du patrimoine personnel, dès lors qu’il s’agit de biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes. Ce patrimoine ne peut être scindé. Il existe donc pour deux patrimoines, deux actifs et deux passifs. Précisons que les dispositions concernant notamment l’insaisissabilité de droit de la résidence principale restent valables (C. com., art. L. 526-22, al. 4 nouv.). L’entrepreneur pourra accorder aux créanciers de son activité professionnelle, des garanties sur son patrimoine personnel, en renonçant par exemple à l’insaisissabilité légale dont il jouit. En outre, sur demande écrite d’un créancier, l’entrepreneur pourra renoncer à la séparation des patrimoines en sa faveur sur un engagement spécifique déterminé ou déterminable et respectant des formes prescrites par décret. Bien entendu, l’administration fiscale pourra aussi mettre la main sur les deux patrimoines en application de l’article L. 26-24 nouveau. Si le créancier souhaite engager une procédure d’exécution, elle ne concernera que les biens sur lesquels il dispose d’un droit de gage (CPCE, art. L. 161-1).

Surtout, si le débiteur est un entrepreneur individuel, c’est le tribunal de la procédure collective qui devra être saisi, le tribunal de commerce étant compétent pour un entrepreneur individuel exerçant une activité commerciale ou artisanale et le tribunal judiciaire dans les autres cas. Le tribunal de la procédure collective appréciera les conditions d’ouverture de la procédure collective mais aussi celle de la procédure de surendettement, ce qui est nouveau. C’est ce tribunal qui connaîtra les contestations relatives sur la séparation des patrimoines du débiteur (C. com., art. L. 681-2, V).

A priori, seul le patrimoine professionnel sera appréhendé par la procédure collective du livre VI, si les conditions d’ouverture du surendettement ne sont pas réunies (C. com., art. L. 681-2, I et II). Si les conditions d’ouverture de la procédure de surendettement sont aussi réunies, la procédure collective appréhendera les deux patrimoines. Le texte prévoit différentes hypothèses et notamment l’ouverture de deux procédures ou d’une procédure unique sur le patrimoine personnel. Plusieurs règles seront respectées :

• si l’entrepreneur individuel est soumis à une procédure collective, il ne pourra modifier son patrimoine professionnel en le diminuant (et cela jusqu’à la fin des opérations du plan). Tout acte passé en violation sera annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public dans un délai de trois ans (C. com, art. L. 681-2, VI) ;

• l’entrepreneur individuel en liquidation judiciaire pourra exercer une nouvelle activité professionnelle et un nouveau patrimoine professionnel sera constitué sans être concerné par la procédure ouverte, ce qui est nouveau (C. com., art. L. 681-2, VII). Auparavant, l’entrepreneur individuel en liquidation judiciaire devait exercer une activité salariée.

Cependant, il ne pourra pas en bénéficier s’il a déjà fait l’objet depuis moins de cinq ans d’une autre procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou une clôture d’un rétablissement professionnel.

Le liquidateur pourra avoir accès à un autre patrimoine de...

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