Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Après clôture de la liquidation, le créancier à qui l’insaisissabilité d’un bien est inopposable ne peut exercer ses poursuites que sur ce bien !

Si le créancier auquel l’insaisissabilité d’un immeuble de son débiteur est inopposable peut, même postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, exercer son droit de poursuite sur l’immeuble, il ne peut pas, après cette clôture, en dehors des exceptions prévues à l’article L. 643-11 du code de commerce, recouvrer l’exercice individuel de ses actions concernant les autres éléments du patrimoine du débiteur.

Longtemps, la question s’est posée de savoir si un créancier à qui l’insaisissabilité d’un immeuble du débiteur est inopposable durant la liquidation judiciaire conservait sa faculté d’agir sur ce bien postérieurement à la clôture.

Par trois arrêts successifs, la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu à cette interrogation, dont le dernier en date est l’arrêt ici rapporté.

Par un premier arrêt du 13 décembre 2023, la Cour de cassation a dégagé le principe selon lequel le créancier, auquel l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale est inopposable, peut, même postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, exercer son droit de poursuite sur l’immeuble (Com. 13 déc. 2023, n° 22-19.749 FS-B+R, Dalloz actualité, 21 déc. 2023, obs. B. Ferrari ; D. 2023. 2236 ).

Le même jour, la chambre commerciale en a déduit, par un second arrêt, que lorsque l’insaisissabilité légale de l’immeuble fait l’objet de l’inscription d’une hypothèque, le créancier privilégié à qui l’insaisissabilité est inopposable peut exercer ses droits sur l’immeuble – peu important la clôture de la procédure. Surtout, le débiteur ne peut justifier la radiation de l’inscription (Com. 13 déc. 2023, n° 22-16.752 FS-B+R, Dalloz actualité, 15 janv. 2024, obs. M. Guastella ; D. 2023. 2237 ).

L’arrêt sous commentaire est animé par la même logique (Com. 17 janv. 2024, n° 22-20.185 F-B, D. 2024. 109 ) : le créancier, qui ne souffre pas de l’insaisissabilité du bien durant la procédure, peut agir postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, mais ces poursuites sont alors cantonnées au bien insaisissable.

L’affaire

En l’espèce, tandis que deux époux étaient en liquidation judiciaire, une banque, qui leur avait consenti un prêt pour l’achat de leur résidence principale, a déclaré au passif de la procédure une créance garantie par une hypothèque sur le bien.

La procédure a été clôturée le 3 avril 2018.

Plus tard, le 1er juillet 2020, la banque a fait délivrer aux débiteurs un commandement de payer aux fins de saisie-vente, pour obtenir paiement d’une certaine somme. En réponse, les époux ont fait assigner le créancier devant le juge de l’exécution en nullité du commandement.

N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, les débiteurs ont interjeté appel et sollicitaient, subsidiairement à la nullité du commandement, la mainlevée de la mesure d’exécution.

Les juges du second degré ne vont pas faire droit à ces demandes. Pour ces derniers, le créancier, ayant financé la résidence principale des époux et régulièrement déclaré sa créance, n’était pas soumis au principe d’interdiction de reprise des poursuites individuelles après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif prévu à l’article L. 643-11 du code de commerce.

En conséquence, pour la cour d’appel, puisque la banque conservait la possibilité de poursuivre la procédure de saisie de l’immeuble financé, le commandement de payer aux fins de saisie-vente, qui avait a priori pour seul objet d’interrompre la prescription, n’était donc pas irrégulier (v. sur l’enjeu relatif à la prescription en matière de bien insaisissable, P.-M. Le Corre, note ss. Com. 13 déc. 2023, n° 22-19.749 FS-B+R, préc., Lexbase affaires, 18 janv. 2024, n° 781).

Les débiteurs forment un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.

Les demandeurs arguaient du fait que le commandement de payer aux fins de saisie-vente ne concernait pas le droit de poursuite sur l’immeuble, puisqu’il ne s’agissait pas, par essence, d’un commandement aux fins de saisie immobilière. Or, selon les débiteurs, seul le droit de poursuite sur l’immeuble échappait au principe d’interdiction posé par l’article L. 643-11 du code de commerce.

Sans surprise, à notre sens, la Cour de cassation souscrit à l’analyse.

La solution

La Haute juridiction commence par rappeler qu’il résulte des articles L. 526-1 et L. 643-11 du code de commerce que le créancier auquel l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur est inopposable peut, même après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, exercer son droit de poursuite sur l’immeuble qui n’est pas entré dans le gage commun des créanciers de la liquidation...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :