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Bases de données : la difficile distinction entre la base et son contenu

Un arrêt de la Cour de cassation met en lumière la difficulté à distinguer entre l’investissement substantiel lié à la constitution, la vérification ou la présentation de la base, condition de protection par le droit sui generis, et celui qui relève de la création du contenu.

par Ophélie Wang, Docteure en droitle 14 novembre 2022

La Cour de cassation a rendu un rare arrêt concernant le droit sui generis protégeant les bases de données. Ce droit, créé par la directive européenne 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, a été transposé en droit français aux articles L. 341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Il permet aux producteurs de bases de données d’obtenir un droit de propriété intellectuelle sur les bases de données ayant nécessité un investissement substantiel.

Le litige porte sur la base de données d’annonces immobilières du site internet Leboncoin, site de petites annonces entre particuliers. Ce site permet aux particuliers de publier gratuitement des annonces diverses, et notamment des annonces immobilières. Il reçoit actuellement environ 800 000 nouvelles annonces par jour. Leboncoin est exploité depuis 2011 par la société LBC France suite à un traité d’apport partiel d’actifs conclu avec la société SCM qui avait créé le service en 2006.

Une autre société, Entreparticuliers.com qui exploite un site internet du même nom, propose un service de publication en ligne d’annonces immobilières provenant de particuliers. Cette seconde société reçoit, via un service tiers, une veille systématique et quotidienne des annonces immobilières publiées par des particuliers sur internet, y compris sur le site Leboncoin. Elle publie ensuite un grand nombre de ces annonces sur son propre site Entreparticuliers.com.

Constatant que certains utilisateurs de Leboncoin se plaignaient de la reprise de leur annonce sur le site Entreparticuliers.com, la société LBC a assigné Entreparticuliers.com sur le fondement du droit sui generis protégeant les bases de données. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 2 février 2021 (Paris, 2 févr. 2021, n° 17/17688, D. 2021. 2152, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ), a effectivement condamné Entreparticuliers.com qui s’est pourvue en cassation.

Après avoir écarté un premier moyen de procédure, la Cour de cassation devait répondre aux moyens portant sur la qualité de producteur de la société LBC, sur le caractère substantiel de l’investissement, sur la protection d’une sous-base et sur le caractère illicite de l’extraction.

La qualité de producteur

Le titulaire du droit, le producteur d’une base de données, est défini à l’article L. 341-1 du code de la propriété intellectuelle comme « la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants ». Or en l’espèce, l’exploitation du site Leboncoin avait été transférée en 2011 de la société ayant initialement créé et exploité le site, la société SCM, à la société LBC. La société demandeuse au pourvoi estimait donc que la société LBC, n’ayant pas créé la base de données dont elle réclamait la protection, ne pouvait s’en revendiquer productrice au sens du code de la propriété intellectuelle.

En outre, la cour d’appel s’était fondée, pour justifier sa décision, sur l’article L. 342-5 du code de la propriété intellectuelle concernant la durée de protection. Cette durée est...

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