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La cause illicite de la révocation d’une donation

L’acte authentique portant révocation d’une donation entre vifs encourt la nullité si sa cause réside dans la volonté des parties de contourner les dispositions d’ordre public de l’article 922 du code civil.

« Le problème du contrat est de savoir sur quoi il se fonde », écrivait André Glucksmann. Ce 30 novembre 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a rappelé la nécessité pour les juges du fond de vérifier que la révocation d’une donation n’est pas motivée par le désir de tenir en échec les droits impératifs des héritiers réservataires.

De nombreux éléments de fait donnaient à penser qu’un montage frauduleux avait été élaboré. Par acte authentique du 9 juin 1994, une mère avait consenti à son fils une donation de deniers hors part successorale. Le donataire avait immédiatement investi ces sommes dans des sociétés civiles immobilières dont les titres avaient rapidement pris beaucoup de valeur.

En 2005, la donatrice connut quelques problèmes de santé et la veille d’une opération cardiaque, le 11 juillet 2005, les parties avaient établi par acte authentique une révocation de la donation consentie en 1994. Le donataire déchu avait par la suite remboursé à sa mère la somme qu’elle lui avait donnée. Celle-ci décéda en 2015, laissant ses trois enfants pour lui succéder.

L’une des sœurs flaira la fraude. Le contexte de la donation comme celui de sa révocation lui semblaient suspects, d’autant plus que, en 1999, son frère avait tenté d’obtenir son accord pour réaliser une incorporation de la donation qu’il avait reçue à un projet de donation-partage (ce qui aurait permis de geler la valeur des titres en cas d’action en réduction). Par ailleurs, le donataire, marié sous un régime de communauté de biens avait délibérément choisi de réaliser des investissements au moyen de deniers propres afin d’éviter que le résultat de son placement ne profite à son épouse. Tout semblait donc indiquer que le donataire avait une bonne connaissance des mécanismes juridiques et s’en servait dans le but de conserver pour lui seul le rendement de son investissement.

La sœur du donataire sollicita donc la nullité de la révocation de la donation pour cause de fraude. L’avantage du maintien de la donation était double. D’une part, cela permettait de réunir à la masse de calcul de la quotité disponible la valeur des titres acquis calculée à l’époque du décès (ce qui est plus avantageux que de compter, au titre des biens existants, la valeur nominale de la somme remboursée à la donatrice). D’autre part, le constat d’une fraude pouvait conduire au prononcé d’une sanction au titre du recel successoral.

La demande avait de sérieuses chances d’aboutir. Elle fut pourtant rejetée le 20 juin 2018 par le tribunal d’instance de Brest puis le 8 décembre 2020 par la cour d’appel de Rennes. Pour déclarer valable l’acte du 11 juillet 2005, les juges d’appel avaient retenu que les mobiles présidant à la révocation d’une donation sont indifférents et ne peuvent se confondre avec la cause de la convention, laquelle n’est pas illicite puisque la révocation conventionnelle d’une donation ne se heurte à aucune interdiction légale et qu’elle est toujours possible sans que les parties n’aient à en justifier les raisons (§ 9).

La succombante forma un pourvoi en cassation, dont la troisième branche du moyen (qui en comptait sept) retint particulièrement l’attention des juges du droit. La demanderesse au pourvoi y rappelait fort opportunément que la cause subjective d’un contrat doit...

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