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Article
Chronique de droit des entreprises en difficulté : les tribunaux des activités économiques à l’honneur
Chronique de droit des entreprises en difficulté : les tribunaux des activités économiques à l’honneur
Cet article dresse un panorama des jurisprudences les plus significatives intervenues en droit des entreprises en difficulté au cours de ces tout derniers mois. Il évoque également le cadre réglementaire applicable à la mise en place, à titre expérimental, des tribunaux des activités économiques.
par Georges Teboul, Avocat AMCOle 10 septembre 2024
Mise en place des tribunaux des activités économiques
In extremis, en dépit de la dissolution de l’Assemblée nationale, le décret prévoyant la mise en place des tribunaux des affaires économiques est paru. Rappelons que la création de ce tribunal avait été prévue par l’article 26 de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 (JO 21 nov.). Le décret n° 2024-674 du 3 juillet 2024 (JO 5 juill.) est donc venu mettre en place les modalités, ce texte entrant en vigueur le lendemain de sa publication.
Dans le cadre de cette expérimentation, un comité de pilotage de cette réforme est mis en place. Feront notamment partie de ce comité le premier président de la cour d’appel, un procureur général, un président de tribunal judiciaire, un procureur, un président de tribunal des activités économiques, un greffier, un administrateur, un mandataire judiciaire, un bâtonnier… Il s’agira de procéder au suivi de l’expérimentation. Il faudra aussi pourvoir aux modalités d’information des justiciables. Cette information interviendra dans les conditions prévues à l’article 1er du décret, via une documentation mise à disposition du public. Un comité d’évaluation est également mis en place, qui se réunira au moins trois fois par an en procédant à des auditions.
Enfin, un arrêté du 5 juillet 2024 désigne les douze tribunaux de commerce qui deviendront des tribunaux des activités économiques à partir du 1er janvier 2025 (JO 6 juill.). Il s’agit des tribunaux suivants : Auxerre, Avignon, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc et Versailles.
Les dispositifs d’aide aux entreprises
Une circulaire du 6 mars 2024 (NOR : ECOE2335742C) complète une précédente circulaire du 9 janvier 2015 sur l’accompagnement des entreprises en difficulté (NOR : EINI1500411C). Il s’agit ici de coordonner l’intervention de différents services de l’État. L’État s’est doté de moyens permettant de détecter les entreprises fragiles et a mis en place un comité départemental d’accompagnement et de soutien des entreprises en difficulté avec le suivi des dispositifs de soutien.
Le conseiller départemental aux entreprises en difficulté est pérennisé. Le MEFSIN (ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique) propose un accompagnement individualisé des entreprises avec un numéro national d’appel dédié et la désignation pour chaque entreprise d’un correspondant dédié. Cette veille conjoncturelle est bienvenue, dès lors qu’il s’agit d’aider les entreprises en difficulté en alliant la détection et le soutien.
Les statistiques
Nous savons qu’au 31 mars 2024, 17 000 procédures collectives ont été ouvertes pendant le 1er trimestre, soit plus de 19 % par rapport au 1er trimestre 2023. Mais en mars 2024, l’augmentation a été seulement de 8,6 % (Altarès, CNAJMJ et note d’information n° 172 de Michel Di Martino). Sur le 1er trimestre, 12 000 liquidations judiciaires ont été ouvertes, 4 740 redressements judiciaires et 30 procédures de sauvegarde. 65 % des procédures sont des liquidations judiciaires directes, ce qui est habituel. Au 1er trimestre 2024, 2 004 procédures de prévention ont été ouvertes au lieu de 2 035 pendant le 1er trimestre 2023, soit une légère diminution.
Sur les dernières années, l’évolution a permis de constater 32 300 défaillances en 2020, 28 400 en 2021 et 42 500 en 2022 et 57 700 procédures ouvertes en 2023 (sur les années 2015 à 2019, 55 000 défaillances ont été enregistrées, en moyenne par an). Le rattrapage constaté est donc normal et correspond à un retour à la tendance habituelle.
La prévention
Il faut signaler un arrêt récent sur la levée de la confidentialité d’un mandat ad hoc. Cela n’est possible qu’au jour de l’audience d’examen de l’ouverture de la procédure collective. Elle ne peut être applicable ni à la suite de la procédure, ni au profit d’autres juges que ceux qui y ont participé. Elle ne peut être ordonnée au profit du juge-commissaire, des administrateurs et des mandataires judiciaires ni pour le ministère public intervenant dans la suite de la procédure. Cet accès restrictif apparaît bienvenu car la confidentialité doit être protégée (Paris, 6 févr. 2024, n° 23/12128, Veille permanente, 23 avr. 2024, obs. C. Cadic).
Il faut préciser que la Cour d’appel de Paris a rendu un jugement d’infirmation qui avait prononcé la levée de la confidentialité au profit du juge-commissaire et des autres personnes visées ci-avant. En revanche, le jugement a été confirmé en ce qu’il a prononcé la levée de la confidentialité des procédures amiables au profit des juges qui ont participé à l’audience d’ouverture de la procédure du redressement judiciaire et du ministère public qui a participé à cette audience.
Il faut s’en tenir à une interprétation stricte du texte de l’article L. 621-1, alinéa 2, du code de commerce. Ce caractère restrictif doit être préservé (nous avions commenté par ailleurs un précédent arrêt, Com. 22 nov. 2023 n° 22-17.798 F-P, sur la communication des pièces de la procédure amiable avant l’ouverture de la procédure collective. Nous considérons que ce n’est qu’à l’occasion de l’audience d’ouverture que cette levée de confidentialité peut avoir lieu, Dalloz actualité, 14 déc. 2023, obs. O. Maraud ; D. 2023. 2132 ; Rev. sociétés 2023. 814, obs. P. Roussel Galle ).
La prescription applicable à un créancier hors procédure
En l’espèce, un prêt avait été accordé à un débiteur en liquidation judiciaire, de sorte que la créance était née hors procédure (Com. 2 mai 2024, n° 22-21.148 F-B, Dalloz actualité, 21 mai 2024, obs. M. Houssin ; D. 2024. 870 ; Rev. sociétés 2024. 411, obs. P. Roussel Galle ; Veille permanente, 24 mai 2024, obs. P. Roussel Galle). La banque ne pouvait être payée sur le gage commun des créanciers pendant la procédure. La reprise des poursuites individuelles n’étant pas possible, il a fallu que le créancier attende la clôture de la procédure pour pouvoir agir. Or, cette clôture de la liquidation n’est intervenue que vingt-et-un ans après l’ouverture de la procédure. Dès lors que le créancier n’en était aucunement responsable, la Cour de cassation a considéré que l’action du créancier n’était toujours pas prescrite à la clôture de la liquidation, ce qui paraît logique. En revanche, la durée de la procédure de liquidation était sans doute trop longue. Dans cette affaire, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et la cour a retenu la suspension du délai de prescription qui était un délai biennal de l’article L. 218-2 du code de la consommation, compte tenu de l’impossibilité d’agir pour le créancier, par application de l’article 2234 du code civil.
Le commentateur s’interroge sur les conditions dans lesquelles le prêt a été accordé, sans que le liquidateur judiciaire ait été mis en cause (M. Houssin, obs. préc.). Sans surprise, il considère aussi que les règles de la liquidation judiciaire s’articulent mal avec le droit de la prescription, ce qui paraît en effet évident.
L’action en restitution
Les biens qui ont fait l’objet d’une publicité n’entrent pas en principe dans le gage commun des créanciers. Dans ce cas, le propriétaire est dispensé de l’obligation de faire reconnaître son droit de propriété. L’action en restitution n’est qu’une faculté qui lui est offerte (C. com., art. L. 624-10 et R. 624-14 en sauvegarde). Il s’agissait ici d’un crédit-bail portant sur des véhicules. Ces contrats ont été poursuivis en redressement judiciaire. Puis, après la conversion en liquidation judiciaire, le liquidateur judiciaire avait demandé à être autorisé à vendre les véhicules aux enchères, ce qui avait été refusé.
Le liquidateur a soutenu dans son pourvoi que son courrier avait été dénaturé car il s’agissait d’une demande de restitution et non de revendication. Il a indiqué que ni le débiteur, ni le mandataire n’avaient donné leur accord dans le délai d’un mois sur la restitution des véhicules, de sorte que le crédit-bailleur devait saisir le juge-commissaire s’il entendait récupérer les biens. La Cour de cassation considère que la cour d’appel était souveraine pour interpréter la demande de restitution, la lettre de requête en revendication du liquidateur étant rédigée dans des termes ambigus.
Pour la Cour de cassation, il s’agissait bien d’une action en restitution, s’agissant de contrats de crédit-bail qui avaient été publiés avant l’ouverture de la procédure collective. Les véhicules ne pouvaient être vendus aux enchères publiques, dès lors qu’ils n’étaient pas entrés dans le gage commun des créanciers (Com. 2 mai 2024, n° 21-25.720, Dalloz actualité, 23 mai 2024, obs. R. Azevedo ; Veille permanente, 22 mai 2024, obs. M. Triboulet). En l’espèce, l’arrêt avait rejeté la demande d’autorisation de vendre aux enchères les biens litigieux, celle-ci étant intitulée « requête en revendication de propriété ». Dans sa requête, le crédit-bailleur...
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