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Commissaire-priseur judiciaire : pas d’action de in rem verso en cas de faute lourde de l’appauvri

Si le fait d’avoir commis une imprudence ou une négligence ne prive pas de son recours fondé sur l’enrichissement sans cause celui qui, en s’appauvrissant, a enrichi autrui, l’action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l’appauvrissement est dû à la faute lourde ou intentionnelle de l’appauvri qui peut être constituée par le manquement à ses obligations professionnelles de la part d’un commissaire-priseur. 

par Anaïs Hacenele 16 mai 2018

L’enrichissement sans cause, quasi-contrat issu d’une construction purement jurisprudentielle, a été codifié aux articles 1303 et suivants du code civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Si ladite ordonnance lui a substitué l’appellation d’« enrichissement injustifié », son régime est resté le même. C’est sur les conditions d’application de ce mécanisme que porte l’arrêt sous commentaire.

En l’espèce, un commissaire-priseur judiciaire a été appelé par un notaire a procédé à l’évaluation des biens constituant l’actif successoral d’un défunt. Il estima deux œuvres attribuées à Pablo Picasso à 250 000 € chacune, là où elles furent ensuite estimées à 500 000 et 700 000 € par une société dont l’avis fut demandé par l’épouse à qui elles furent transmises. Un expert désigné en référé en conclut finalement que les deux objets étaient des faux. L’épouse assigna en responsabilité le commissaire-priseur et la société qui appelèrent en garantie les autres héritiers sur le fondement de l’enrichissement sans cause ; appel en garantie que rejeta la cour d’appel de Paris au motif que la faute du commissaire-priseur judiciaire ne lui permettait pas de bénéficier de ce fondement. Il décida de se pourvoir en cassation faisant grief à l’arrêt d’avoir violé l’ancien article 1371 du code civil en refusant toute indemnisation alors que la faute de l’appauvri devrait simplement donner lieu à une modération de l’indemnisation de la part du juge.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en rappelant le principe selon lequel si une imprudence ou une négligence ne prive pas de son recours fondé sur l’enrichissement sans cause celui qui, en s’appauvrissant, a enrichi autrui, l’action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l’appauvrissement est dû à la faute lourde ou intentionnelle de l’appauvri.

Le nouvel article 1303 du code civil dispose qu’« en dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement ». Il consacre ici la subsidiarité de l’action de in rem verso (pour un rappel récent, v. Civ. 1re, 4 mai 2017, n° 16-15.563, à paraître au Bulletin ; Dalloz actualité, 26 mai 2017, obs. T. de Ravel d’Esclapon , note A. Gouëzel ).

L’article 1303-2 du code civil...

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