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Les concessions du gouvernement sur les finances locales

Après la conférence nationale des territoires, le gouvernement a légèrement assoupli les contraintes financières qu’il prévoit d’imposer aux collectivités territoriales. Pas sûr que toutes leurs associations soient pour autant prêtes à reprendre le dialogue.

par Marie-Christine de Monteclerle 21 décembre 2017

Le gouvernement a lâché du lest. Au lendemain de la deuxième conférence nationale des territoires (CNT), qui s’est réunie le 14 décembre à Cahors, il a présenté à l’Assemblée nationale, qui examinait en nouvelle lecture le projet de loi de programmation des finances publiques, deux amendements qui assouplissent les contraintes qu’il prévoyait d’imposer aux collectivités territoriales et que celles-ci avaient vivement critiquées.

Certes, le gouvernement maintient sa demande d’une limitation de la hausse des dépenses de fonctionnement à 1,2 % en valeur par an de 2018 à 2022. Mais il a entendu certaines demandes des collectivités. Ainsi, dans le cadre des contrats conclus entre les préfets et les collectivités, ce taux pourra être modulé. Trois critères sont retenus qui pourront chacun entraîner une hausse ou une baisse du taux de 0,15 point :

  • la démographie, lorsque son évolution est supérieure ou inférieure d’au moins 0,75 point à la moyenne nationale. S’y ajoute, mais pour faire évoluer le taux à la hausse seulement, un critère portant sur les nouveaux logements ;
  • le revenu moyen de la population (baisse du taux s’il est supérieur de 15 % à la moyenne, hausse s’il est inférieur de plus de 20 %). Peut être prise en compte également, pour augmenter le taux, une proportion de la population résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville supérieure à 25 % ;
  • les efforts accomplis entre 2014 et 2016 : les collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement ont connu une évolution supérieure d’au moins 1,5 point à la moyenne de leur catégorie sur cette période pourront subir une baisse du taux. Celles qui ont baissé leurs dépenses dans une proportion identique pourront obtenir une hausse.

340 collectivités devront contracter avec l’État

Les départements (et la métropole de Lyon) obtiennent, pour leur part une neutralisation, dans l’appréciation de l’évolution de leurs dépenses, de la hausse des allocations individuelles de solidarité (AIS : revenu de solidarité active, allocation personnalisée d’autonomie, prestation de compensation du handicap).

Le gouvernement a redéfini le champ des collectivités qui devront signer un contrat. Comme l’avait suggéré le rapport intermédiaire du groupe de travail Bur-Richard, pour les communes et les intercommunalités, le critère ne sera pas la population mais un niveau de dépenses de fonctionnement (60 M€). Le contrat devrait donc concerner 340 collectivités. Les autres, a déclaré Édouard Philippe à Cahors, « seront seulement tenues par une obligation raisonnable de maîtrise de leurs dépenses ». Elles pourront cependant demander à entrer dans un mécanisme contractuel. Ces conventions devront être signées avant la fin du premier semestre 2018 et porteront sur les exercices 2018, 2019 et 2020. Pas au-delà, donc, du mandat municipal en cours.

Ces contrats porteront non seulement sur l’évolution des dépenses de fonctionnement, mais aussi sur un « objectif d’amélioration du besoin de financement » et, le cas échéant, sur une « trajectoire d’amélioration de la capacité de désendettement ». L’inclusion de l’endettement dans les contrats constitue une concession majeure du gouvernement. À l’origine, en effet, il prévoyait d’introduire dans le code général des collectivités territoriales les modalités de calcul d’un « ratio d’endettement », et menaçait les collectivités qui ne respecteraient pas un plafond national de référence de saisine de la chambre régionale des comptes, voire de règlement du budget par le préfet. Cette procédure disparaît. Certes, le texte fixe toujours des règles. Un ratio de « capacité de désendettement » (rapport entre l’encours de la dette et l’épargne brute) sera bien calculé en années. Et des plafonds de référence (12 ans pour les communes et les EPCI, 10 ans pour les départements, 9 ans pour les régions) sont fixés. Mais il n’y a plus de réelle sanction.

Le bloc local est fissuré

En revanche, sur l’évolution de dépenses de fonctionnement, la sanction est prévue, de façon claire. Le texte d’origine évoquait un « mécanisme de correction, dont les modalités sont mises au point dans le cadre d’un dialogue entre l’État et les collectivités territoriales » et renvoyait à une loi ultérieure. Une formulation si vague que nul n’avait compris si la punition en cas de dépassement serait collective (baisse des dotations) ou individuelle. L’amendement du gouvernement prévoit une « reprise financière » en cas de dépassement de l’objectif. Celle-ci sera de 75 % de l’écart constaté, sans pouvoir dépasser 3 % des dépenses réelles de fonctionnement pour les collectivités ayant signé un contrat. Cette pénalité est portée à 100 % pour celles qui n’ont pas signé de contrat alors qu’elles entraient dans le champ de cette méthode. Car celles-ci n’échapperaient pas pour autant au mécanisme : le préfet leur notifiera un taux d’évolution de leurs dépenses.

Ces évolutions importantes du gouvernement ont provoqué une fracture entre les associations d’élus. L’Association des maires de France (AMF) avait manifesté sa mauvaise humeur en n’étant présente à Cahors qu’à titre d’ « observatrice », représentée par l’une de ses vice-présidentes. En revanche, France urbaine et l’Assemblée des communautés de France se sont déclarées prêtes à s’engager dans le dispositif de contractualisation. Les régions sont revenues dans la CNT mais « sous conditions », notamment d’un « cadre financier stabilisé jusqu’en 2022 ». Quant aux départements, ils attendent toujours des réponses sur le financement des AIS.

Les régions demandent également des modifications institutionnelles, comme l’attribution d’un pouvoir réglementaire aux collectivités qui le souhaitent ou une différenciation des compétences selon les territoires. La concertation sur ce champ institutionnel devrait faire l’objet d’un bilan à la prochaine CNT, en juillet 2018. Le six prochains mois devraient également permettre d’avancer sur la réforme de la fiscalité locale.

Des plans pour les villes moyennes et le numérique

La CNT a également été l’occasion pour le gouvernement d’annoncer ses projets sur deux questions intéressant les collectivités. Un plan pour les villes moyennes, d’abord, baptisé « Action cœur de ville » et doté de 5 milliards d’euros, vise à relancer les centres-villes via des contrats-cadres avec les communes et les intercommunalités. Pour y attirer des « locomotives commerciales », le gouvernement évoque une « suppression du seuil de déclenchement » de la commission départementale d’aménagement commercial. Le plan pour l’aménagement numérique du territoire devrait notamment comprendre des mesures pour faciliter l’obtention d’autorisations d’urbanisme et d’occupation du domaine public pour les opérateurs.