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La conformité d’un délai de recours raisonnable en matière de placement à l’isolement judiciaire

Les Sages de la rue de Montpensier ont jugé que le recours à l’encontre d’un placement à l’isolement judiciaire dans un délai raisonnable, sans plus d’encadrement, devant le président de la chambre de l’instruction est conforme à la Constitution. 

Aux termes de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le législateur a prévu que le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention (JLD) puisse ordonner un isolement judiciaire dans le cadre d’une détention provisoire, si cette mesure est indispensable aux nécessités de l’information judiciaire, comme prévu par les dispositions de l’article 145-4-1 du code de procédure pénale.

Dans la décision d’espèce, le requérant avait fait l’objet d’une ordonnance du juge d’instruction le 7 mai 2024 contre laquelle un recours était formé quelques jours plus tard, le 13 mai 2024. Ce n’est que plus d’un mois plus tard, le 25 juin 2024, que la procédure était transmise au président de la chambre de l’instruction, aboutissant ensuite à une confirmation de ladite ordonnance le 25 juillet 2024. Partant, il s’était écoulé un délai de 72 jours entre l’ordonnance du juge d’instruction querellée et sa confirmation par le magistrat chargé d’apprécier et de statuer sur les mérites du recours.

Le 26 novembre 2024, la chambre criminelle transmettait une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l’alinéa 1er de l’article 145-4-1 du code de procédure pénale qui prévoit ce placement à l’isolement judiciaire ainsi que le recours ouvert contre la décision prononçant la mesure (Crim. 26 nov. 2024, n° 24-85.348). Plus précisément, des interrogations demeuraient quant à la constitutionnalité de la seconde phrase de ce premier alinéa disposant que « La décision du juge d’instruction peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction. »

Dans le cadre de l’examen de la QPC, le requérant était rejoint par l’Observatoire international des prisons (OIP), partie intervenante, pour démontrer que l’absence de fixation par le législateur d’un délai pour statuer n’était pas conforme aux exigences constitutionnelles. En outre, et – semble-t-il – dans un objectif de renforcer son argumentation, la partie requérante reprochait aux dispositions législatives de ne pas prévoir, à tout le moins, que le président de la chambre de l’instruction doive statuer à bref délai sur le recours. Il y a lieu de rappeler que, dans le silence de la loi concernant la détermination d’un délai, le juge doit statuer dans un délai raisonnable, et non à bref délai.

Ainsi, le requérant soutenait que la mesure de placement à l’isolement judiciaire dans le cadre d’une détention provisoire constituerait une privation de liberté qui méconnaîtrait le droit à un recours juridictionnel effectif, la liberté individuelle et le droit à la sûreté. 

A contrario, le représentant du Premier ministre défendait la conformité des dispositions déférées à l’appréciation des neuf membres. Il arguait principalement que la mesure de placement à l’isolement judiciaire n’est pas en elle-même une mesure privative de liberté, mais une simple mesure d’exécution de la détention. Il en résulte que celle-ci n’est applicable que lorsque cela s’avère indispensable aux nécessités de l’information judiciaire.

À ce stade, il convient de noter que, dans sa décision du 14 février 2025, le Conseil constitutionnel reconnaît l’existence d’un recours juridictionnel effectif par le délai raisonnable implicite laissé au président de la chambre de l’instruction pour statuer sur le recours. De plus, les Sages suivent l’argumentation soutenue par le représentant du gouvernement estimant que la mesure d’exécution que constitue le placement à l’isolement judiciaire n’entraîne pas, par elle-même, une privation de liberté.

Cependant, les débats qui ont eu lieu lors de l’audience publique du 4 février 2025 permettent d’appréhender le raisonnement retenu « en sous-texte » par le Conseil constitutionnel, invitant les détenus placés à l’isolement judiciaire à faire une demande de mise en liberté, plutôt que le recours prévu par l’article 145-4-1 du code de procédure pénale.

Une volonté du requérant d’obtenir l’harmonisation du délai judiciaire avec le délai administratif

Au soutien de leurs observations, la partie requérante et la partie intervenante rappelaient que le cadre entourant l’isolement en détention a fait l’objet d’un contrôle très strict par les juridictions suprêmes.

La mesure d’isolement – qui est, rappelons-le, qualifiée de « torture blanche » par la Commission nationale consultative des droits de l’homme – poursuit différents objectifs, à savoir la protection du détenu lui-même ainsi que la protection de la vie en détention à raison du caractère particulièrement signalé ou dangereux de l’intéressé.

Pour mémoire, la France a fait l’objet de plusieurs condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme concernant les modalités de l’isolement pouvant entraîner des traitements inhumains et dégradants (CEDH 20 janv. 2011, Payet c/ France, n° 19606/08, § 85, Dalloz actualité, 27 janv. 2011, obs. S. Lavric ; AJDA 2011. 139 ; ibid. 1993, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2011. 643, obs. S. Lavric , note J.-P. Céré ; ibid. 1306, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2011. 88 , note M. Herzog-Evans ; RFDA 2012. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; RSC 2011. 718, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 2012. 208, chron. P. Poncela ; 20 janv. 2011, El...

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