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Contrefaçon de marque : remise en cause de l’exception pour motif légitime

L’apposition, en France, de la marque française sur des produits destinés à l’exportation en Chine est constitutive de contrefaçon.

par Jeanne Daleaule 31 janvier 2018

La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 janvier 2018, rappelle, sur le fondement des articles L. 713-2 et L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, que sont interdites, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, ainsi que l’exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaisante.

Comme le précise la Cour au regard de l’interprétation jurisprudentielle de ces textes, une exception de motif légitime avait toutefois été posée il y a une dizaine d’années puisque la détention de tels produits revêtus du signe litigieux sur le territoire français, dans lequel ce signe était protégé en tant que marque, dès lors que ces produits étaient destinés à l’exportation vers des pays tiers dans lesquels ils étaient licitement commercialisés et qu’il n’existait pas de risque que ces marchandises puissent être initialement commercialisées en France, de sorte que les entreprises poursuivies n’avaient fait usage du signe litigieux qu’afin d’exercer leur droit exclusif portant sur la première mise sur le marché de produits revêtus du signe incriminé dans des pays où elles disposaient de ce droit, était possible (Com. 10 juill. 2007, n° 05-18.571, Bull. civ. IV, n° 189 ; D. 2007. 2112, obs. J. Daleau ; ibid. 2009. 691, obs. S. Durrande ; Rev. crit. DIP 2008. 322, note E. Treppoz ; RTD com. 2007. 712, obs. J. Azéma ; JCP E 2007. II. 2269, note Passa ; Propr. ind. 2007. Étude 24, obs. Schaffner et Georges ; Propr. intell. 2008, n° 26, p. 151, obs. Buffet-Delmas).

La portée de cette exception, qui confortait le principe de la libre circulation des marchandises mais affaiblissait le droit des marques, est remise en cause par la chambre commerciale dans cet arrêt de revirement du 17 janvier 2018.

Reprenant les dispositions de l’article 5, § 1, de la directive 89/104 du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (codifiée par dir. CE 2008/95, 22 oct. 2008), et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (v. not. CJCE 20 nov. 2001, n° C-414/99, RTD com. 2002. 405, obs. M. Luby ; ibid. 480, obs. J. Azéma ; RTD eur. 2002. 387, obs. G. Bonet ; PIBD 2002. III. 506 ; 12 nov. 2002, n° C-206/01, D. 2003. 755, et les obs. , note P. de Candé ; RTD com. 2003. 415, obs. M. Luby ; RTD eur. 2004. 106, obs. G. Bonet ; JCP E 2003. 1468, n° 10, obs. Boespflug, Greffe et Barthélemy ; PIBD 2003. III. 263 ; Propr. intell. 2003, n° 7, p. 200, obs. Bonet ; RDPI nov. 2002, n° 141, p. 26), la Cour de cassation considère que face aux textes européens, qui ne prévoyaient pas une telle exception, le refus de constater une contrefaçon dans cette hypothèse ne pouvait être maintenu.

Ainsi, le pourvoi contre l’arrêt d’appel qui a constaté que la marque litigieuse était apposée en France (territoire sur lequel elle était protégée) et en a déduit, alors même que les produits en cause étaient destinés à l’importation en Chine, que la contrefaçon était constituée, ne pouvait qu’être rejeté. Le droit des marques s’en trouve renforcé.