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De la délicate évaluation du préjudice écologique

Il appartient aux juges du fond, qui reconnaissent l’existence d’un préjudice écologique, de le réparer dans les limites des conclusions des parties et d’en rechercher l’étendue.

par Lucile Priou-Alibertle 11 avril 2016

En l’espèce, une association, baptisée, Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) sollicitait réparation de son préjudice écologique consécutif à une pollution au fuel dans l’estuaire de la Loire occasionnée par une rupture de tuyauterie de la raffinerie de Donges, en Loire-Atlantique, exploitée par la société Total. Cette dernière avait été reconnue coupable de rejet en mer ou eau salée de substances nuisibles au maintien ou à la consommation de la faune et de la flore et de déversement de substances entraînant des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la faune ou à la flore. La cour d’appel, reconnaissant l’existence d’un préjudice écologique, avait néanmoins débouté la LPO de sa demande d’indemnisation au double motif, d’une part, que la LPO avait chiffré son préjudice par estimation par espèce du nombre d’oiseaux détruits alors que cette destruction n’était pas prouvée et, d’autre part, qu’en évaluant son préjudice sur la base de son budget annuel de la gestion de la baie de l’Aiguillon, la partie civile confondait son préjudice personnel et le préjudice écologique dans la mesure où ses frais de fonctionnement n’avaient pas de lien direct avec les dommages causés à l’environnement.

La LPO avait formé un pourvoi contre la décision de la cour d’appel. Dans son arrêt, dont il faut louer la précision de la motivation, la Cour de cassation, au visa des articles 1382 du code civil et L.142-2 du code de l’environnement et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles L.161-1 et L.162-9 du code de l’environnement, casse l’arrêt critiqué.

Elle précise, dans deux attendus de principe « que, d’une part, le préjudice écologique consiste en l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction ; que la remise en état prévue par l’article L. 162-9 du code de l’environnement n’exclut pas une indemnisation de droit commun que peuvent solliciter, notamment, les associations habilitées, visées par l’article L. 142-2 du même code » et que, « d’autre part, il appartient aux juridictions du fond de réparer, dans les limites des conclusions des parties, le préjudice dont elles reconnaissent le principe et d’en rechercher l’étendue ».

Ainsi, la cour d’appel, en déboutant la LPO de sa demande indemnitaire, « motifs pris de l’insuffisance ou de l’inadaptation du mode d’évaluation proposé par la LPO alors qu’il lui incombait de chiffrer, en recourant, si nécessaire, à une expertise, le préjudice écologique dont elle avait reconnu l’existence, et consistant en l’altération notable de l’avifaune et de son habitat, pendant une période de deux ans, du fait de la pollution de l’estuaire de la Loire », n’a pas justifié sa décision.

La reconnaissance du préjudice écologique n’est guère plus contestée aujourd’hui depuis la tristement célèbre affaire de l’Erika dont l’ensemble de l’épopée judiciaire a été abondement commentée (V. TGI Paris, 16 janv. 2008, n° 9934895010, AJDA 2008. 934 , note A. Van Lang ; D. 2008. 351, et les obs. ; ibid. 273, édito. F. Rome ; ibid. 2681, chron. L. Neyret ; RSC 2008. 344, obs. J.-H. Robert ; JCP 2008. I. 126, note K. Le Couviour ; ibid. II. 10053, note B. Parance ; Paris, 30 mars 2010, n° 08/02278, D. 2010. 967, obs. S. Lavric ; ibid. 1008, entretien L. Neyret ; ibid. 1804, chron. V. Rebeyrol ; ibid. 2238, chron. L. Neyret ; ibid. 2468, obs. F. G. Trébulle ; Rev. sociétés 2010. 524, note J.-H. Robert ; RSC 2010. 873, obs. J.-H. Robert ; ibid. 2013. 363, obs. J.-H. Robert ; RTD com. 2010. 622, obs. P. Delebecque ; ibid. 623, obs. P. Delebecque ; Gaz. Pal. 30 mars 2010, 28-29 juill. 2010, note N. Lebond ; JCP 2010, n° 432, note K. Le Couviour ; Crim. 25 sept. 2012, n° 10-82.938, AJDA 2013. 667, étude C. Huglo ; D. 2012. 2711, et les obs. , note P. Delebecque ; ibid. 2557, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 2673, point de vue L. Neyret ; ibid. 2675, chron. V. Ravit et O....

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