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Distinction entre opinion et conviction : la Cour de cassation suit la CEDH sur l’obligation vaccinale

Dans une décision rendue le 20 novembre 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer à nouveau sur la légitimité des sanctions découlant de la violation de l’obligation vaccinale. Elle valide la suspension du contrat de travail et la rémunération comme sanctions de la violation de l’obligation légale de vaccination. En effet, selon la Haute juridiction française, l’article 9 de la Convention européenne ne confère pas aux salariés le droit d’invoquer leurs opinons pour se soustraire à une législation d’application générale et de portée collective. Une distinction fondamentale est alors établie entre simples opinions et convictions protégées au titre de l’article 9 de la Convention européenne par la Cour de cassation.

par Komlanvi Issifou Agbam, Docteur en droitle 10 décembre 2024

La crise sanitaire qui a secoué le monde entier dès la fin de l’année 2019 a amené les autorités gouvernementales de chaque pays à prendre différentes mesures afin de contenir le risque de propagation du virus, et ce, dans le but de protéger les populations et particulièrement les personnes vulnérables. En France, le législateur avait imposé, à travers la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021, une obligation vaccinale aux travailleurs et intervenants dans certains milieux professionnels. Le refus volontaire de vaccination emportait, selon ce texte, la suspension du contrat de travail assortie d’une interdiction de rémunération. Cette obligation vaccinale a été critiquée par certains citoyens qui ont refusé de s’y soumettre et ont saisi non seulement les juridictions des ordres administratif et judiciaire, mais également la Cour européenne des droits de l’homme afin de contester sa légitimité. Ces salariés considéraient généralement que l’obligation vaccinale était discriminatoire et porterait atteinte à la liberté d’opinion, au droit à la vie privée et à la vie familiale. La chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur une éventuelle inconstitutionnalité de la suspension du contrat de travail des salariés travaillant au sein d’un établissement social et médico-social pour méconnaissance de l’obligation vaccinale. Elle avait refusé à deux reprises, de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel au motif que les questions posées ne présentaient pas un caractère sérieux. En effet, pour la chambre sociale, la suspension du contrat de travail assortie d’une interdiction de salaires ne méconnaît pas le principe du respect de la dignité de la personne humaine ainsi que la liberté individuelle protégés par la Constitution (Soc. 5 juill. 2023, n° 22-24.712 B, Dalloz actualité, 13 sept. 2023, obs. L. Malfettes ; D. 2023. 1316 ; 24 janv. 2024, n° 23-17.886 B, Dalloz actualité, 27 févr. 2024, obs. S. Selusi ; D. 2024. 2013 ).

Dans une décision rendue le 20 novembre 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer à nouveau sur la légitimité des sanctions découlant de la violation de l’obligation vaccinale. Elle valide la suspension du contrat de travail et la rémunération comme sanctions de la violation de l’obligation légale de vaccination. En effet, selon la Haute juridiction française, l’article 9 de la Convention européenne ne confère pas aux salariés le droit d’invoquer leurs opinons pour se soustraire à une législation d’application générale et de portée collective. Une distinction fondamentale est alors établie entre simples opinions et convictions protégées au titre de l’article 9 de la Convention européenne par la Cour de cassation.

Une salariée a été engagée en qualité d’agent technique et d’entretien le 14 février 2012 par une société proposant des services d’entretien. La salariée a été affectée dans une résidence pour personnes âgées. Durant la période de la covid-19, l’employeur a exigé, conformément à la loi du 5 août 2021 du salarié la présentation d’un pass sanitaire contre la covid-19. Le 5 octobre 2021, il a notifié à la salariée la suspension de son contrat de travail et de sa rémunération à la suite de son refus de présenter le pass sanitaire. Contestant ces mesures, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en réintégration et de reprise du paiement de ses salaires pour la période du 5 octobre 2021 au 5 juillet 2022. Elle estime que ces sanctions sont prises en conformité d’une loi imposant une obligation vaccinale qu’elle qualifie d’attentatoire aux libertés fondamentales garanties par la Convention européenne.

La Cour d’appel de Montpellier, dans une décision du 30 novembre 2022 a débouté la salariée de toutes ses prétentions. Pour les juges d’appel, la suspension du contrat de travail assortie d’une interruption de versement de salaire à la suite d’un refus de présentation du pass sanitaire par la salariée est légale, car conforme à l’obligation vaccinale imposée par la loi du 5 août 2021. Contestant cette décision, la salariée saisit la Cour de cassation. Trois arguments majeurs ont été avancés au soutien de son pourvoi.

Tout d’abord, la salariée fait valoir...

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