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La distribution sélective entre concurrence, consommation et communication

Une présentation d’un site internet pratiquant des ventes « hors réseau » dans une émission télévisée rappelle l’importance des rapports de système entre le droit de la concurrence, le droit de la distribution, le droit de la consommation et même le droit de la communication.

La présentation du site internet d’un distributeur hors réseau dans une émission télévisée engage-t-elle la responsabilité solidaire de la chaîne de télévision ? Telle est l’une des questions essentielles qui se posaient devant la Cour de cassation dans le litige opposant la société Coty à la société France Télévisions. De façon surprenante, l’affaire ouvre un intéressant débat révélant les interactions, voire un certain rapport de dépendance entre le droit de la concurrence, le droit de la distribution, le droit de la consommation et même le droit de la communication.

Les faits litigieux portaient sur la diffusion par France Télévisions d’une émission dans laquelle était présenté un site internet qui proposait des produits d’un réseau de distribution sélective sans en avoir reçu l’agrément. La société Coty France, à la tête de ce réseau, avait donc assigné France Télévisions et l’éditeur du site en réparation.

L’affaire n’est pas nouvelle ; les faits remontent à février 2010. En effet, l’arrêt ici présenté intervient à la suite d’une décision de la chambre 5-4 de la cour d’appel de Paris (Paris, 9 juin 2021, n° 18/17379) rendue sur renvoi après cassation (Com. 16 mai 2018, n° 16-18.174 P, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. L. Constantin ; D. 2018. 1068 ; AJ contrat 2018. 286, obs. F. Buy et Jean-Christophe Roda ; censurant Paris, 5, 4, 25 mai 2016, n° 14/03918, D. 2017. 881, obs. D. Ferrier ).

Rappelons qu’à l’origine, une banale présentation d’un site internet dans une émission télévisée était en question. Ayant remarqué que ce site pratiquait des ventes hors réseau de certains de ses produits, la société Coty estimait que cette activité ainsi que la promotion du site dans une émission télévisée portaient atteinte à leur image de marque. Ensemble, elles constitueraient des actes de parasitisme, de concurrence déloyale et une publicité trompeuse dont le diffuseur et l’éditeur du site seraient solidairement responsables. Pour leur défense, ces derniers remettaient en cause la licéité même du réseau de distribution sélective et, par ce biais, contestaient tous les griefs qui leur étaient opposés. Dans un premier arrêt rendu en 2016, la cour d’appel constatait l’illicéité du réseau de la société Coty (Paris, 25 mai 2016, n° 14/03918, préc.), jugeant que la présence de clauses constitutives de restrictions caractérisées dans le contrat de distribution sélective excluait le bénéfice d’exemption au sens de l’article 4 du règlement n° 2790/1999 applicable aux faits reprochés (ce texte est remplacé par le règlement n° 330/2010 du 20 avr. 2010). La cour d’appel en déduisit que l’existence de ces clauses « noires » écartait de facto la conformité du réseau à l’article 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Saisie de l’affaire, la Cour de cassation, dans un arrêt très remarqué (Com. 16 mai 2018, n° 16-18.174, préc.), censurait la cour d’appel pour violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. Elle rappelait une règle élémentaire, « mais souvent méconnue ou oubliée » (AJ contrats 2018. 286, obs. F. Buy et J.-C. Roda) selon laquelle l’existence d’une restriction caractérisée au sens d’un règlement d’exemption par catégorie n’entraîne pas nécessairement une restriction de concurrence illicite au sens de l’article 101, § 1, du TFUE (v., dans le même sens, Com. 16 mai 2018, nº 16-20.040 ; CJUE 6 déc. 2017, aff. C-230/16, Dalloz actualité, 17 janv. 2018, obs. L. Constantin ; D. 2018. 150 , note C. Grimaldi ; ibid. 865, obs. D. Ferrier ; ibid. 2270, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; AJ contrat 2018. 34 , obs. F. Buy et J.-C. Roda ; Dalloz IP/IT 2018. 317, obs. C. Maréchal ; RTD eur. 2018. 808, obs. L. Idot ).

Ainsi, hormis le constat que la présence de « clauses noires » dans un contrat de distribution sélective n’implique pas nécessairement l’illicéité du réseau au sens de l’article 101 du TFUE, la Cour de cassation n’apportait aucune autre précision à la juridiction de renvoi, même pas celle de savoir si les clauses litigieuses étaient constitutives de restrictions caractérisées. Les questions posées revenaient donc toutes entières devant la cour d’appel de Paris. Or, dans la pratique, force est de constater que la licéité de l’acte de communication de la société France Télévisions, pouvait dépendre de la licéité de l’activité du site litigieux qui, elle-même, dépendait de celle du réseau de...

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