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Droit des pratiques restrictives de concurrence et droit international privé : l’impossible cohérence ?
Droit des pratiques restrictives de concurrence et droit international privé : l’impossible cohérence ?
Par arrêt du 12 mars 2025, la Cour de cassation qualifie de délictuelle une action en rupture brutale de relations commerciales établies en application de l’article 46 du code de procédure civile. Le juge français du lieu du dommage, ressenti au siège social de la victime, était donc compétent pour en connaître.

Les relations France/États-Unis à propos de l’importation d’alcool sur le sol américain sont décidément source de contentieux, comme en atteste l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 mars 2025.
En 2011, une société française mandate une société américaine en tant qu’importateur exclusif aux États-Unis de vins et spiritueux. En 2019, le fournisseur assigne devant une juridiction française le distributeur, alléguant une rupture brutale de leurs relations commerciales sur le fondement du droit français des pratiques restrictives de concurrence.
La Cour d’appel de Paris, qualifiant l’action de contractuelle en raison de l’existence d’un contrat-cadre tacite, accueille l’exception d’incompétence soulevée par le distributeur, le contrat s’exécutant aux États-Unis. Le fournisseur forme un pourvoi contre cet arrêt en invoquant l’application de l’option de compétence en matière délictuelle (C. pr. civ., art. 46) qui donnait compétence au juge français du siège social du fournisseur, en tant que juge du lieu de réalisation du dommage.
La question qui se posait à la Cour de cassation était donc celle de la qualification contractuelle ou délictuelle de l’action en rupture brutale de relations commerciales établies fondée sur l’article L. 442-1, II, du code de commerce, en dehors des textes de droit international privé européen.
C’est en faveur de la seconde qu’elle tranche dans l’arrêt commenté. Ce faisant, la Cour de cassation s’éloigne de la solution retenue par la Cour de justice qui qualifie cette action de contractuelle en application du règlement Bruxelles I bis, dès lors qu’un contrat-cadre tacite peut être identifié (CJUE 14 juill. 2016, Granarolo, aff. C-196/15, Dalloz actualité, 1er sept. 2016, obs. F. Mélin ; D. 2016. 1575 ; ibid. 2025, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; ibid. 2017. 881, obs. D. Ferrier
; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke
; AJ contrat 2016. 442, obs. I. Luc
; Rev. crit. DIP 2016. 703, note F.-X. Licari
; RTD civ. 2016. 814, obs. L. Usunier
; ibid. 837, obs. H. Barbier
; RTD com. 2017. 231, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast
). Les enjeux tenant à l’application du droit des pratiques restrictives de concurrence ont pu conduire à instrumentaliser l’option de compétence en matière délictuelle en consacrant, pour la victime, un forum actoris. L’arrêt commenté recourt ainsi à la méthode de qualification des règles, majoritairement rejetée par la doctrine internationaliste.
La consécration d’un forum actoris en matière de pratiques restrictives de concurrence
La Cour de cassation assure la création d’un forum actoris en matière de pratiques restrictives de concurrence. La solution retenue apparaît cantonnée au droit international privé national. Les considérations ayant conduit à sa consécration pourraient être éloignées des impératifs de droit international privé ainsi qu’en attestent les termes du débat tels que posés par l’avis de l’avocate générale et le rapport du conseiller rapporteur (disponibles en ligne).
Une solution limitée au droit international privé de source nationale
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation retient que l’action en rupture de relations commerciales établies relève d’une qualification délictuelle en droit international privé national. Elle ajoute que c’est à tort que la cour d’appel a refusé de tenir compte du critère du lieu du siège social de la victime prétendant avoir subi un préjudice résultant de la cessation de la relation commerciale sans qu’un préavis de résiliation ait été respecté (pt 10). Le demandeur pourra donc saisir le juge du lieu de son siège social où il a subi le dommage lié à la brutalité de la rupture, sur le fondement de l’article 46 du code de procédure civile. La Cour place ainsi sa solution en dehors du champ d’application des textes de droit international privé européen (pt 9 ; v. toutefois, p. 12 de l’avis).
Limitée au droit international privé national, la solution doit être regardée comme s’appliquant à toute action fondée sur les incriminations posées par le droit des pratiques restrictives de concurrence. En effet, le choix de cette qualification est présenté dans l’arrêt comme la simple projection de la qualification retenue en droit interne sur le droit international privé (pt 7). Ainsi, une action par exemple fondée sur le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties relèvera également de l’option de compétence en matière délictuelle. La souplesse de cette option de compétence, déjà remarquée par la Cour de justice pour assurer le développement du private enforcement en matière de pratiques anticoncurrentielles (Rép. internat., v° Distribution, par S. Poillot Peruzzetto et H. Meur, §§ 13 et 60-61), pourra permettre d’assurer largement la compétence du juge français dès lors que le fait générateur ou le lieu du dommage sont situés sur le territoire français. Il n’est pas certain que les justifications ayant conduit à retenir une telle solution aient été dictés par les impératifs du droit international privé.
Des justifications a priori étrangères aux impératifs du droit international privé
La lecture de l’avis et du rapport montre que des éléments éloignés des impératifs portés par les règles de conflit de juridictions étaient présents dans le débat. Même si l’on ne saurait mesurer s’ils ont emporté la conviction de la Cour, ces éléments pourraient expliquer la solution retenue et attesteraient une volonté d’assurer la compétence du juge français par le biais de l’option de compétence en matière délictuelle afin de permettre une large application du droit des pratiques restrictives que l’on ose qualifier de loi de police (H. Meur, JDI 2024. Doctr. 2).
La lecture de l’avis et du rapport permet tout d’abord de comprendre que la question a été essentiellement posée sous l’angle de la cohérence, concept mal défini (v. not., en droit international privé européen, H. Meur, Les accords de distribution en droit international privé, Bruylant, 2024, p. 319 s.) : la cohérence entre le droit international privé de l’Union et le droit international privé national, d’une part, et celle entre le droit interne et le droit international privé, d’autre part.
À propos de la première cohérence, l’avocate générale relève notamment que la consacrer « marquerait un renoncement politiquement marqué à l’autonomie du droit international privé de droit commun par rapport au droit privé régional alors même que l’approche retenue par la CJUE dans sa jurisprudence...
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