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Exploitation des œuvres audiovisuelles par l’INA : la CJUE saisie

La Cour de cassation renvoie à la Cour de justice de l’Union européenne la question de savoir si la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose au régime dérogatoire dont bénéficie l’Institut national de l’audiovisuel concernant l’exploitation des archives.

par Jeanne Daleaule 5 septembre 2018

La publication sur le site internet de la Cour de cassation du premier arrêt concernant cette affaire pouvait laisser penser que la décision de la cour d’appel de Versailles, cour de renvoi, et celle de la première chambre civile, à nouveau saisie, n’allaient pas susciter l’ouverture d’un nouvel épisode judiciaire (Civ. 1re, 14 oct. 2015, n° 14-19.917, Bull. civ. I, n° 244 ; Dalloz actualité, 4 nov. 2015, obs. J. Daleau , note Guillem Querzola ; Dalloz IP/IT 2016. 38, obs. T. Azzi ; CCE 2016. Étude 3 note Tafforeau ; LEPI janv. 2016, p. 4, note Bernault ; Gaz. Pal. 9 févr. 2016, p. 32, note Marino ; Légipresse 2015. 664, note Meuris-Guerrero ; v., sur renvoi, Versailles, 10 mars 2017, n° 15/07483, CCE 2017. Étude 11, n° 7, obs. Tafforeau ; ibid. 2018. Chronique 6, obs. Daverat). Et pourtant, force est de constater qu’avec ce renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la question du régime dérogatoire de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) aux dispositions des articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle concernant l’exploitation des œuvres est loin d’être tranchée.

Depuis 2006, l’INA bénéficie d’un régime simplifié d’autorisation, de calcul et de versement des compléments de rémunération des artistes-interprètes. En l’espèce, la question posée plus particulièrement aux juridictions nationales était principalement de savoir si ce régime dérogatoire dispensait l’INA de solliciter l’autorisation des ayants droit, en l’occurrence, ceux d’un artiste-interprète, batteur de jazz. La Cour de cassation a répondu par la négative, estimant que les juges du fond, en imposant cette autorisation, avaient ajouté à la loi une condition qu’elle ne comportait pas. La cour d’appel de Versailles a rejeté les demandes des ayants droit.

Devant la Cour de cassation, ils invoquent, notamment, une décision de la CJUE du 16 novembre 2016 (CJUE 16 nov. 2016, n° C-301/15, Dalloz actualité, 2 déc. 2016, obs. J. Daleau , note F. Macrez ; Dalloz IP/IT 2017. 108, obs. V.-L. Benabou ; Rev. UE 2017. 78, étude Lamia El Badawi ; RLDI déc. 2016. 12, note Derieux ; Légipresse 2017. 96, note Boiron et Le Doré ; Propr. intell. 2017, n° 62, p. 30, note Bruguière ; LEPI janv. 2017. 2, obs. Bernault ; JCP E 2018. Étude 1357, obs. Le Corroncq et Cohuet), rendue à propos des livres indisponibles selon laquelle la protection instaurée par les dispositions des articles 2 et 3 de la directive 2001/29 ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation nationale poursuive un objectif dans l’intérêt culturel des consommateurs et de la société dans son ensemble, toutefois, la poursuite de cet objectif ne saurait justifier une dérogation non prévue par le législateur de l’Union européenne assurée aux auteurs par cette directive.

La Cour de cassation considère que cette solution n’est pas transposable à la situation d’espèce et prend donc la décision de renvoyer la question suivante devant la Cour de justice ce l’Union européenne : les articles 2, b), 3, § 2, a), et 5 de la directive doivent-il être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent au régime dérogatoire institué au profit de l’INA en application de l’article 49, II, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.