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Gens du voyage : les députés veulent clarifier la loi, pas la durcir

La question des gens du voyage est régulièrement traitée par le Parlement. La proposition de loi Raimbourg en 2015 (Dalloz actualité, 12 juin 2015, obs. M.-C. de Montecler), reprise dans la loi Egalité & citoyenneté (Dalloz actualité, 8 juill. 2016, obs. M.-C. de Montecler), a apporté d’importantes modifications. La semaine dernière, l’Assemblée étudiait une proposition de loi venue du Sénat (Dalloz actualité, 3 nov. 2017, obs. M.-C. de Montecler), qu’elle a revue sur plusieurs points.

par Pierre Januelle 12 avril 2018

La proposition de loi sénatoriale avait trois axes : clarifier la répartition des compétences entre communes et Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), faciliter les expulsions illicites et renforcer les sanctions pénales. Les députés de la majorité n’ont conservé que trois articles, éliminant les aspects répressifs du texte.

Un texte pour clarifier les compétences

L’article premier dans sa version Assemblée indique tout d’abord que la révision du schéma départemental d’accueil prendra en compte l’évolution du schéma de coopération intercommunale. L’article vise surtout à clarifier les compétences entre les communes et les EPCI compétents. La loi indiquera dorénavant que les communes seront tenues d’accueillir une installation. Mais ce seront bien les EPCI qui devront créer, aménager, entretenir et gérer les aires et terrains prévus par le schéma départemental.

Par ailleurs, un EPCI pourra retenir un terrain d’implantation situé sur le territoire d’une commune autre que celle figurant dans le schéma départemental, à condition qu’elle soit dans le même secteur géographique.

L’article 3 de la proposition de loi traite des grands passages et rassemblements (qui réunissent au moins 150 caravanes). L’objectif est de mieux les organiser et éviter la multiplication des campements illicites. Les représentants des gens de voyage devront dorénavant obligatoirement informer les préfets de région, préfets de département et présidents de conseil départemental concernés, au moins trois mois avant. Le préfet du département avertira les élus locaux. Le maire, s’il n’est pas en mesure d’assurer l’ordre public, pourra par ailleurs transférer ses pouvoirs de police au préfet.

Enfin, l’Assemblée a conservé l’article 4 qui porte sur les occupations illicites. Actuellement, les articles 9 et 9-1 de la loi de 2000 prévoient deux procédures d’évacuation forcée exceptionnelles, l’une administrative, l’autre juridictionnelle. Mais elles ne peuvent être lancées que par des communes qui ont satisfait à leurs obligations en matière d’accueil, et qui appartiennent à un EPCI qui y satisfait également. L’article 3 permet d’enlever cette seconde condition : le maire pourra mettre en œuvre ces procédures exceptionnelles dès lors que sa commune respecte ses obligations.

La suppression des dispositions les plus polémiques du Sénat

À la demande du groupe En Marche, de nombreux articles ont été supprimés par l’Assemblée. Les députés n’ont pas voulu exonérer les communes de moins de 5 000 habitants de leurs obligations d’accueil, ni conditionner la réalisation d’une nouvelle aire à un seuil d’occupation minimale des autres aires de l’EPCI. Le Sénat souhaitait également que les aires permanentes soient comptabilisées dans le nombre de logements sociaux prévus par la loi SRU. Les députés ont, par ailleurs, conservé le mécanisme de consignation introduit par la loi Égalité et citoyenneté et n’ont pas voulu que le préfet puisse prononcer une mise en demeure de quitter le territoire intercommunal.

Les députés ont enfin supprimé toutes les dispositions pénales du texte. Pour le délit d’occupation illicite d’un terrain, les sénateurs souhaitaient doubler les peines, introduire des astreintes et permettre au juge de saisir une caravane destinée à l’habitation (malgré le principe de l’inviolabilité du domicile). Les sénateurs souhaitaient également crée un délit sanctionnant la commission habituelle de l’installation en réunion sans titre et permettre la peine complémentaire d’interdiction de séjour en cas d’installation illégale en réunion.

L’Assemblée jugeait prématurée ces dispositions. Le Sénat, sensible aux demandes des élus locaux sur ce sujet, pourrait les rétablir. Sauf s’il souhaite l’adoption rapide de son texte et éviter la multiplication des navettes (le gouvernement n’ayant pas déclaré l’urgence sur cette proposition de loi).