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Gouvernance et planification d’une mobilité nouvelle

Les députés ont adopté, en première lecture, le projet de loi d’orientation sur les mobilités en précisant le rôle des autorités organisatrices et les nouveaux outils de planification.

par Jean-Marc Pastorle 19 juin 2019

La manie d’élaborer des lois trop bavardes n’est pas nouvelle et la future loi d’orientation des mobilités n’y fera certainement pas exception. Les députés l’ont adoptée le 18 juin après avoir examiné plus de 3 000 amendements qui traitent des projets d’infrastructures de transports, des nouveaux modes de mobilité (des trottinettes aux véhicules électriques), de la gouvernance par les collectivités… Un agrégat de normes associées à des dispositions très techniques rend le texte bien peu lisible au sortir de l’hémicycle. Mais, pour Bérangère Couillard, rapporteure, ce texte global engage une transformation profonde de nos politiques publiques de transport.

Missions des AOM et versement mobilité

Les députés ont quelque peu retouché les règles de gouvernance en matière de mobilité qui consacrent le couple régions-intercommunalités de façon à assurer la couverture effective de l’ensemble du territoire par des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Au même titre que la lutte contre le changement climatique, la pollution de l’air et l’étalement urbain, les AOM devront contribuer à l’objectif « de lutte contre la pollution sonore ».

Les régions, AOM à leur échelon, pourront également déléguer, par convention, un ou plusieurs services de mobilité à un groupement européen de coopération territoriale lorsque celui-ci se trouve sur leur ressort territorial. Un eurodistrict pourrait se voir déléguer par la région la mise en œuvre d’une ligne de bus régulière assurant des transports transfrontaliers en coopération avec la région limitrophe d’un état voisin. Le texte étend la faculté de financer un surcroît de dessertes ferroviaires – dont disposent les métropoles – aux communautés urbaines ou aux syndicats mixtes auxquels elles ont transféré leur compétence d’organisation de la mobilité.

Largement débattu, le « versement destiné au financement des services de mobilité », qui remplacera l’actuel versement transport, a été adopté. En commission, les députés ont supprimé l’exonération liée au télétravail et la possibilité de percevoir le versement mobilité sans organiser de services réguliers. Il ne pourra être institué que par une commune ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui est AOM et qui organise au moins un service régulier de transport public de personnes. La délibération instituant le « versement mobilité » doit énumérer les services, mis en place ou prévus, qui en justifient le taux.

Un amendement a ajouté aux principales missions des AOM l’organisation des différentes formes de mobilité, l’intermodalité et la répartition territoriale des points de vente physiques (guichets). Par ailleurs, et sauf accord formel de son assemblée délibérante, le territoire d’un EPCI à fiscalité propre ne peut pas être découpé entre plusieurs bassins de mobilité. En revanche, dans certaines situations et certains contextes territoriaux, un bassin de mobilité pourra recouvrir le périmètre de plusieurs EPCI.

Les plans de mobilité se substituent aux plans de déplacements urbains

Les plans de mobilité, qui succèdent aux plans de déplacements urbains, se voient assigner des objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre et la prise en compte des nuisances sonores. Un amendement vise à garantir que la maîtrise de l’étalement urbain continuera de relever du plan local d’urbanisme. Il vise aussi à garantir que le plan de mobilité, comme c’est le cas actuellement des plans de déplacements urbains, fasse l’objet d’une simple prise en compte.

L’Assemblée nationale a acté, en revanche, la suppression de l’obligation faite aux établissements scolaires d’élaborer un plan de mobilité scolaire ainsi que la mise en place d’expérimentations de décalage des horaires d’entrée et de sortie des établissements scolaires. La ministre, Élisabeth Borne, estime que ces initiatives peuvent être prises sans passer par la loi. Il est prévu que le plan mobilité inclura des outils d’informations à destination des piétons et des cyclistes, notamment de signalétique. Il comporte déjà un volet relatif aux itinéraires cyclables et piétons et peut intégrer un schéma de desserte ferroviaire ou fluviale. Enfin, lorsque le périmètre du plan mobilité comprend tout ou partie de l’emprise d’un aérodrome, les EPCI ou les syndicats mixtes compétents pour élaborer les plans de mobilité limitrophes sont consultés, à leur demande, sur les projets.

Une disposition tout aussi intéressante qu’étonnante a été introduite par amendement. Elle consiste, en cas de projet qui conduirait à la construction de plus de mille nouveaux logements en habitat collectif, à ce que l’autorité compétente en matière de délivrance du permis de construire recueille l’avis de l’autorité organisatrice de la mobilité de manière à ce que celle-ci lui indique notamment si le projet peut conduire à une saturation des infrastructures de transport existantes.

Un assouplissement encadré des 80 km/h

On notera que la députée LR Valérie Lacroute a tenté – sans succès – d’introduire une disposition visant à permettre aux AOM d’exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice des réductions tarifaires dans les transports. Pour rappel, le tribunal administratif de Paris avait annulé la délibération du Syndicat des transports d’Île-de-France qui excluait du bénéfice de cette réduction les étrangers en situation irrégulière bénéficiant de l’aide médicale d’État (TA Paris, 25 janv. 2018, n° 1605956/6-2, Union des syndicats CGT de Paris).

L’Assemblée nationale a voté un assouplissement de la limitation à 80 km/h sur certaines routes secondaires, en laissant la responsabilité aux départements d’adapter la vitesse. Cette possibilité a été élargie aux maires et aux présidents d’EPCI mais le relèvement de vitesse autorisée ne peut être porté qu’à 90 km/h et ne vaut que pour les routes actuellement limitées à 80 km/h. Cette décision prendra la forme d’un arrêté motivé, pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d’une étude d’accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées.