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Après plusieurs années de réflexion et d’expérimentation, les juridictions administratives vont modifier les modes de rédaction de leurs décisions. Objectif : améliorer la lisibilité tout en préservant la rigueur.
par Marie-Christine de Monteclerle 12 décembre 2018
Cette fois, c’est vraiment la fin pour « M. Considérant » (v. J.-C. Duchon-Doris, Libres propos sur la rédaction des décisions de justice, AJDA 2012. 2264 ). Le Conseil d’État a annoncé, le 10 décembre, que la rédaction en style direct des décisions contentieuses sera généralisée au sein de l’ensemble des juridictions administratives à compter du 1er janvier 2019.
Cette petite révolution se concrétise par la publication d’un Vade-mecum sur la rédaction des décisions de la juridiction administrative, élaboré par un groupe de travail réuni autour de l’ancien président de la section du contentieux, Bernard Stirn. Ce document constitue l’aboutissement d’une réflexion engagée au début de la décennie, marquée par le rapport Martin en 2012 et affinée par plusieurs années d’expérimentation (v. le dossier de l’AJDA du 26 févr. 2018, et not., B. Stirn, Simplifier l’expression et enrichir la motivation, p. 382 ).
Le Vade-mecum s’ouvre sur des considérations générales exposant la philosophie de la réforme. L’objectif est d’enrichir la motivation sans faire perdre aux décisions des juridictions administratives « leurs qualités traditionnelles et leur capacité à exposer le plus clairement possible, de façon convaincante et sans perdre aucun lecteur dans des détours inutiles, les raisons qui justifient la solution retenue par la juridiction, sans digressions ni détails superflus ».
Des niveaux de lecture différents pour des publics différents
« Rédiger une décision revient à rechercher le meilleur équilibre entre des exigences parfois contradictoires », estiment les auteurs du document. Ainsi, le rédacteur doit « avoir le souci de l’intelligibilité de la décision qu’il prépare, de son autorité et de son acceptabilité par les parties ». Mais il ne peut pas faire abstraction de la charge de la juridiction administrative. Ce rédacteur est aussi invité expressément à garder à l’esprit que sa décision pourra être lue par différents cercles de lecteurs : les parties, bien sûr, mais aussi les citoyens et journalistes intéressés par le retentissement de l’affaire et, surtout, « les membres de la communauté des juristes qui suivent la jurisprudence administrative ». La décision doit donc comporter « différents niveaux de lecture qu’il convient d’articuler », à l’attention de ces publics. Le Vade-mecum détaille ensuite la structure de la décision en s’attachant particulièrement à la construction des motifs, leur division en paragraphes, la citation des textes et de la jurisprudence.
Plus d’infra ni d’ultra petita
La seconde partie est consacrée au style et au vocabulaire. Prenant en compte la plus grande diffusion, notamment numérique, des décisions, il est recommandé « la plus grande précaution […] dans la divulgation d’informations touchant la vie privée des parties ou de tiers ». En matière de vocabulaire, le document préconise de renoncer à l’emploi de certains termes désuets ou techniques. Les puristes déploreront sans doute qu’à l’avenir on n’interjette plus appel (le plus banal faire appel étant conseillé) ou que disparaissent l’infra et l’ultra petita (sans que rien, d’ailleurs, ne soit prévu pour les remplacer). Par ailleurs, les conventions de rédaction devront être définies dans un glossaire publié sur le site internet de chaque juridiction. Enfin, en annexe, figurent des recommandations particulières de rédaction pour le contentieux de l’excès de pouvoir, le contentieux indemnitaire, celui des étrangers, le contentieux fiscal et les référés.
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