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Le juge peut enjoindre de délivrer un permis de construire

Après qu’il a annulé un refus d’autorisation d’urbanisme, le juge de l’excès de pouvoir peut, sous conditions, enjoindre à l’administration de délivrer l’autorisation sollicitée.

par Jean-Marc Pastorle 1 juin 2018

Dans son avis contentieux du 25 mai 2018, le Conseil d’État lève une interrogation qui partageait les juges du fond : le juge de l’excès de pouvoir qui annule un refus d’autorisation peut-il enjoindre à l’autorité administrative de délivrer l’autorisation sollicitée sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative ?

La doctrine relevait récemment l’inclinaison favorable des juges du fond malgré la jurisprudence peu amène du Conseil d’État (E. Carpentier, To do or not to do…, AJDA 2018. 484 ). Or, depuis que l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme a été réécrit par la loi Macron du 6 août 2015, le prononcé d’une injonction de délivrance en conséquence de l’annulation d’une décision de refus est facilité. Le voile est donc levé à la suite d’une demande d’avis du tribunal administratif de Versailles. Rappelant qu’« au cours des mêmes travaux parlementaires, le législateur a refusé d’habiliter le gouvernement à procéder par ordonnance pour renforcer les pouvoirs du juge administratif à cet égard », le tribunal a jugé suffisamment sérieuse la question de la portée du pouvoir d’injonction du juge de l’excès de pouvoir dans le contentieux des refus d’autorisation d’urbanisme.

Le Conseil d’État précise que, « lorsque le juge annule un refus d’autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l’ensemble des motifs que l’autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l’article L. 424-3 du code de l’urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu’elle a pu invoquer en cours d’instance, il doit, s’il est saisi de conclusions à fin d’injonction, ordonner à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation ou de prendre une décision de non-opposition ». Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction « soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l’article L. 600-2 […] demeurent applicables à la demande, interdisent de l’accueillir pour un motif que l’administration n’a pas relevé, ou que, par suite d’un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L’autorisation d’occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu’ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l’arrêt ».

Retrait d’autorisation en cas d’annulation juridictionnelle

Quid alors de l’autorisation délivrée si une nouvelle décision juridictionnelle vient annuler le jugement ou l’arrêt ayant prononcé l’injonction de délivrer l’autorisation sollicitée ? Dans ces conditions, et sous réserve que les motifs de cette décision ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un nouveau refus de cette autorisation, « l’autorité compétente peut la retirer dans un délai raisonnable qui ne saurait, eu égard à l’objet et aux caractéristiques des autorisations d’urbanisme, excéder trois mois à compter de la notification à l’administration de la décision juridictionnelle. Elle doit, avant de procéder à ce retrait, inviter le pétitionnaire à présenter ses observations ».