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L’augmentation de salaire garantie au retour de congé de maternité

L’employeur ne peut remplacer l’augmentation de salaire due à la salariée à son retour de congé de maternité en vertu de l’article L. 1225-26 du code du travail par le versement d’une prime exceptionnelle.

par Jean Sirole 8 mars 2018

Par cette décision, la Cour de cassation se prononce pour la première fois à notre connaissance sur le caractère d’ordre public de l’augmentation de salaire due à la salariée à son retour de congé de maternité en vertu de l’article L. 1225-26 du code du travail.

En l’espèce, une salariée demande à bénéficier d’une augmentation calculée en fonction des augmentations de salaire intervenues au sein de l’entreprise pendant son congé de maternité.

L’article L. 1225-26 du code du travail, issu de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, prévoit en effet qu’« en l’absence d’accord collectif de branche ou d’entreprise déterminant des garanties d’évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise ». Le second alinéa dispose que « cette règle n’est pas applicable aux accords collectifs de branche ou d’entreprise conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ».

La cour d’appel saisie du litige déboute la salariée de sa demande après avoir constaté que s’il n’est pas contestable qu’en vertu de cette disposition légale les augmentations de salaire intervenues au sein de l’entreprise pendant le congé de maternité devaient profiter à la salariée, il s’avère que cette dernière a sciemment accepté de percevoir cette augmentation sous forme d’une prime exceptionnelle de 400 € dans un courriel adressé au directeur marketing. À défaut d’établir ni même d’alléguer un vice du consentement, le juge du fond estime que la salariée est mal fondée à reprocher à l’employeur d’avoir méconnu ses obligations contractuelles. La chambre sociale sanctionne ce raisonnement par cette décision rendue au visa de l’article L. 1225-26 du code du travail dont les dispositions sont, nous dit la Cour, d’ordre public et auxquelles il ne peut donc être dérogé, qui mettent en œuvre les exigences découlant de l’article 2, § 7, 2e alinéa de la directive 76/207/CEE du 9 février 1976 devenu l’article 15 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

L’inégalité salariale entre les femmes et les hommes a conduit les pouvoirs publics à légiférer afin de tenter de réduire les écarts de rémunération constatés, or l’une des causes de cette injustice trouve notamment sa source dans l’absence de l’entreprise pour congé maternité.

Lorsque la salariée revient dans l’entreprise, l’employeur doit rechercher si des augmentations de rémunération sont intervenues pendant cette absence. Par rémunération, il convient de retenir une conception large de la notion puisque la loi procède par renvoi à l’article L. 3221-3 du code du travail qui établit que « constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier ».

Dans la présente espèce, l’employeur avait proposé une prime et non une augmentation de rémunération. Or, par nature, une telle prime n’est perçue qu’une fois et n’a pas d’impact sur l’évolution de la rémunération, cette proposition allait donc à l’encontre de l’objectif de la loi qui a pour objet d’apporter des « garanties d’évolution de la rémunération ».

L’employeur doit, dans l’hypothèse où il y a eu des augmentations, faire bénéficier la salariée des augmentations générales, mais aussi de la moyenne des augmentations individuelles dont ont bénéficié les salariés de la même catégorie, ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise. Une circulaire (Circ. du 19 avr. 2007 concernant l’application de la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes : NOR: SOCK0751799C) explicite la marche à suivre. Le périmètre à considérer est l’entreprise et non pas l’établissement ou le service auquel est rattachée la salariée.

Certaines questions demeurent et sans être exhaustif on remarquera que la loi ne précise pas ce qu’il faut entendre par « de la même catégorie », mais il semble certain que l’employeur doit être en mesure d’expliciter comment il a établi le plus objectivement possible la « catégorie » sur laquelle il fonde sa solution. On peut supposer qu’il serait judicieux de procéder comme dans le cas de l’établissement de l’ordre des licenciements, qui est fondé sur les catégories professionnelles. Cette notion est définie par le juge comme « l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune » (Soc. 13 févr. 1997, n° 95-16.648, Bull. civ. V, n° 63 ; D. 1997. 171 , note A. Lyon-Caen ; Dr. soc. 1997. 249, concl. P. de Caigny ; ibid. 256, note G. Couturier ; ibid. 331, étude T. Grumbach ; ibid. 341, étude F. Favennec-Héry )

Cette disposition législative a été critiquée en ce qu’elle créerait une forme d’iniquité à l’encontre des salariés qui n’ont pas bénéficié d’une augmentation individuelle en raison de l’appréciation portée par l’employeur sur leur travail alors qu’ils en auraient eu une en cas d’absence pour congé maternité (J.-F. Cesaro, Le code du travail est pavé de bonnes intentions. Loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, JCP S 2006. 1273). Il est certain que le choix d’une « augmentation garantie », qui bénéficie également en cas de congé d’adoption (C. trav., art. L. 1225-44), peut apparaître comme inéquitable, mais les tentatives d’assurer une égalité de rémunération n’ont pas apporté de résultats satisfaisants. Cette règle permet, au moins en théorie, de décider d’avoir un enfant sans se soucier de l’évolution de sa rémunération au cours du congé maternité. Reste que la garantie offerte est limitée dans le temps (pendant le congé maternité, mais il n’y a pas lieu de tenir compte des augmentations intervenues pendant le congé parental, Paris, pôle 6, ch. 8, 27 avr. 2017, n° 14/03170). Le rare contentieux fondé sur l’article L. 1225-26 du code du travail laisse penser que peu de salariées connaissent ce droit, et/ou qu’elles n’osent pas réclamer cette augmentation, ou se « contentent », faute de mieux, d’un ersatz d’augmentation, comme de la prime dont il était question en l’espèce.