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L’élection de la future bâtonnière de Paris ne sera pas annulée

Dans un arrêt du 9 novembre 2017, la cour d’appel a débouté deux anciennes candidates au bâtonnat du barreau de Paris de leur demande d’annulation du scrutin 2016.

par Anne Portmannle 17 novembre 2017

« Il n’existe aucune motif sérieux de nature à mettre en doute la régularité des opérations électorales critiquées, la complète information des électeurs, leur liberté de choix, le secret du vote et la sincérité du scrutin », ont jugé les conseillers de la cour d’appel à propos de l’élection de la future bâtonnière de Paris, Marie-Aimée Peyron, et de son vice-bâtonnier, Basile Ader. Deux  membres du conseil de l’Ordre de Paris, également candidates au bâtonnat, Élisabeth Cauly et Elizabeth Oster avaient contesté le scrutin (v. Dalloz actualité, 29 sept. 2017, art. A. Portmann isset(node/186819) ? node/186819 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186819). 

Quels principes appliquer ?

La cour a en premier lieu estimé qu’en matière d’élections ordinales, il convenait d’appliquer les principes généraux du droit électoral. Elle a considéré que les décisions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), en particulier celle qui avait été produite par les demanderesses, qui contenaient des recommandations pour les opérations électorales étaient inapplicables, faute de portée normative.

En outre, contrairement à ce qui était soutenu par Me Cauly et Me Oster, les principes qui ont été dégagés en matière d’élections professionnelles dans l’entreprise ne doivent pas être appliqués. La cour juge en effet que les élections professionnelles classiques interviennent dans un domaine où un rapport de subordination existe entre employeur et salarié. Du fait de l’absence de ce lien de subordination entre le bâtonnier et les avocats, ces règles n’ont pas vocation à s’appliquer en matière ordinale.

Démontrer l’influence sur les résultats obtenus

La cour d’appel déroule son raisonnement et énonce que, pour obtenir l’annulation des élections ordinales, il ne suffit pas de faire état d’un simple risque d’irrégularité, mais de démontrer que ces irrégularités ont influencé le scrutin. Or, pour la cour, les anomalies relevées par les deux avocates n’ont pas été suffisamment déterminantes. « Les requérantes font état de simples risques et non de troubles avérés », mentionne l’arrêt. Il y est souligné que l’absence de panneaux électoraux spéciaux sur les tréteaux n’apparaît pas avoir nui à l’information des électeurs, de même que les difficultés rencontrées dans la diffusion du traditionnel bulletin du bâtonnier « spécial élections ».

Par ailleurs, l’Ordre ne peut être tenu pour responsable des difficultés d’acheminement des mails de campagne, n’étant pas responsable des dispositifs pare-feu mis en place par les cabinets destinataires. Il ne peut pas non plus lui être reproché d’avoir remis aux candidats des logiciels de diffusion de courriels différents (le système ayant changé entre-temps), dans la mesure où la meilleure efficacité de l’un par rapport à l’autre n’est pas démontrée. La carence de l’Ordre dans l’organisation d’un débat électoral est également écartée, puisqu’un débat a bel et bien eu lieu, sous l’égide de l’Union des jeunes avocats (UJA) et que les candidats y ont participé. À ce sujet, l’arrêt rejette également l’argumentation des requérantes qui avançaient que l’UJA avait favorisé une inégalité de traitement entre les candidats.

Pas d’irrégularité du vote électronique

Une partie de l’argumentation d’Élisabeth Cauly et d’Elizabeth Oster était fondée sur la violation des principes essentiels du droit électoral, du fait de l’irrégularité des opérations de vote électronique. Les divers arguments avancés étaient notamment fondés sur un rapport, établi à la demande de deux autres candidats, Nathalie Roret et Olivier Cousi, qui n’avaient pas contesté l’élection.

L’expert qu’ils avaient mandaté avait néanmoins assisté à une partie des opérations liées au scrutin et avait considéré qu’elles ne garantissaient pas le caractère secret du vote ni la sincérité du scrutin et que les exigences de la CNIL n’avaient pas été respectées. La cour écarte les remarques contenues dans le rapport, estimant qu’il n’est pas contradictoire et qu’il a été établi à la demande de tiers au litige ne contestant pas l’élection. 

Pourvoi en cassation

Les requérantes ont annoncé leur déception. « La cour a botté en touche sur les problèmes essentiels et notamment sur l’application des principes généraux du droit électoral. En outre, demander de prouver l’atteinte à la sincérité du scrutin est impossible », estime Me Oster. Concernant la partie sur le vote électronique, Élisabeth Cauly se dit « étonnée par le traitement différencié des rapports ». « Les rapports de l’Ordre n’étaient pas plus contradictoires que ceux que nous avons produits, mais ils ont été pris en compte. Par ailleurs, la cour a complètement éludé la question qui était posée de l’absence de sauvegarde, par la société qui organisait le scrutin, de l’intégralité des résultats du premier tour. » Les avocates ont dit envisager « sérieusement » un pourvoi « dans l’intérêt du barreau ».