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Lutte antidopage : l’obligation de localisation des sportifs n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime que l’intérêt général attaché à la lutte contre le dopage justifie les obligations de localisation imposées à des sportifs ciblés en vue de la réalisation de contrôles antidopage inopinés.

par Jean-Marc Pastorle 23 janvier 2018

La réponse de la CEDH n’avait rien d’évident et pourtant elle juge que, malgré l’ingérence dans la vie privée des sportifs obligés de fournir leur localisation en vue de réaliser des contrôles antidopage inopinés, cette contrainte – « d’une particulière importance » en matière de lutte contre le dopage – ne viole pas l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le code du sport organise un système de contrôle particulièrement intrusif qui impose aux sportifs appartenant à un « groupe cible » de communiquer à l’AFLD des informations sur leur lieu de résidence, d’entraînement et de compétition de façon à pouvoir être localisés à tout moment et de se soumettre sur le champ aux divers contrôles ordonnés discrétionnairement et sans préavis. Des sportifs et leurs syndicats ont saisi la CEDH, alléguant que cette obligation de localisation porte atteinte à leurs droits garantis par l’article 8 de la Convention.

En droit interne, les requêtes ont systématiquement échoué contre ce dispositif : le juge administratif n’y voit pas d’atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale (CE 18 déc. 2013, n° 364839, Longo-Ciprelli [Mme], Lebon ; AJDA 2014. 960 ; D. 2014. 396, obs. Centre de droit et d’économie du sport ). Pas de difficulté non plus quant aux modalités de désignation des sportifs (CE 10 oct. 2012, n° 357097, Delhomme, AJDA 2013. 85 ; D. 2013. 527, obs. Centre de droit et d’économie du sport ). Le Conseil d’État se contente, en la matière, d’exercer un contrôle restreint d’erreur manifeste d’appréciation (n° 364839, préc.).

L’obligation de localisation litigieuse impose aux sportifs placés dans le groupe cible de donner pour le trimestre à venir, via le système ADAMS (Anti-Doping Administration and Management System), d’une part, leur emploi du temps quotidien détaillé, y compris le week-end, et, d’autre part, un créneau d’une heure, entre 6 et 21 heures, dans un lieu où ils seront présents, afin de permettre des contrôles inopinés. Ces contrôles peuvent se dérouler hors des manifestations sportives et des périodes d’entraînement. Ils sont donc susceptibles d’être réalisés au domicile des sportifs si ces derniers l’ont choisi comme lieu de localisation du créneau d’une heure durant lequel ils sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle par l’AFLD.

La CEDH en convient, « l’obligation de localisation représente une ingérence dans l’exercice par les requérants et la requérante des droits découlant du paragraphe 1 de l’article 8 ». Pour autant, elle est convaincue que les enjeux sanitaires et de santé publique et les préoccupations d’ordre éthique qui leur sont associées fournissent un argument déterminant quant à la nécessité d’une telle ingérence. Aussi, sans sous-estimer l’impact que les obligations de localisation ont sur la vie privée des requérants, elle juge que les motifs d’intérêt général qui les rendent nécessaires justifient les restrictions apportées aux droits que leur accorde l’article 8 de la Convention. « Réduire ou supprimer les obligations dont [les requérants] se plaignent serait de nature à accroître les dangers du dopage pour leur santé et celle de toute la communauté sportive, et irait à l’encontre de la communauté de vue européenne et internationale sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés. » La CEDH juge donc « que l’État défendeur a ménagé un juste équilibre entre les différents intérêts en jeu, et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention ».