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Mesures d’instruction in futurum : indifférence du consentement du requis

Quelle qu’ait pu être leur étendue, les mesures d’instruction in futurum circonscrites aux faits litigieux dont pourrait dépendre la solution du litige sont légalement admissibles, de sorte que le juge n’a pas à rechercher si le requis y avait préalablement consenti. 

par Mehdi Kebirle 4 mars 2019

Mécanisme original, la mesure d’instruction in futurum permet au plaideur d’agir dans le présent en préparation de l’avenir. L’article 145 du code de procédure civil, unique texte fondant le recours à ce mécanisme, donne à tout plaideur la possibilité de saisir un juge des référés, voire un juge des requêtes, afin de lui demander d’ordonner une mesure d’instruction pour établir ou conserver, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Le texte est clair et semble se suffire à lui-même. Pourtant, la jurisprudence regorge de cas dans lesquels les plaideurs ont tenté de lui ajouter des conditions ou de lui en retrancher, ce qui conduit la haute juridiction à en rappeler les critères d’octroi. C’est précisément ce qu’elle fait à nouveau dans cet arrêt du 31 janvier 2019.

Une société invoquait à l’égard d’une autre des manœuvres déloyales de débauchage de salariés et d’un détournement de son savoir-faire. La demanderesse avait saisi le président du tribunal de commerce afin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de cet article 145. La requête ayant été accueillie, la société visée a assigné la demanderesse devant le juge des référés pour obtenir la rétractation de l’ordonnance. La demande en rétractation a été rejetée au motif que la mesure d’instruction critiquée était circonscrite aux faits litigieux et avait autorisé l’huissier de justice à prendre copie de documents identifiés ou à s’en faire remettre copie. Devant la Cour de cassation, elle développait un moyen dans lequel elle prétendait que la mesure ordonnée in futurum ne pouvait revêtir de caractère coercitif. Or, en l’occurrence, selon elle, l’ordonnance entreprise n’obligeait pas l’huissier de justice à solliciter préalablement la remise spontanée des documents et à obtenir le consentement du requis. Ce faisant, elle avait institué une mesure de « quasi-perquisition » en permettant d’imposer la collecte de documents sans obtenir le consentement du requis.

Le pourvoi est rejeté. Pour la haute juridiction, les mesures d’instruction, quelle qu’ait pu être leur étendue, étaient circonscrites aux faits litigieux, décrits dans la requête, dont pourrait dépendre la solution du litige, ce dont il résultait qu’elles ne s’analysaient pas en une mesure générale d’investigation et étaient légalement admissibles au sens de l’article 145 du code de procédure civile. Elle ajoute que les juges du fond n’avaient pas à rechercher si le requis avait préalablement consenti à la remise des documents.

La solution adoptée est intéressante à plus d’un titre.

En l’espèce, la mesure sollicitée consistait à l’obtention de documents détenus par un tiers. Ce type de mesure fait l’objet d’une attention particulière de la haute juridiction en ce qu’elle peut menacer la vie privée de la personne visée par la mesure. Cette attention est induite par les dispositions de l’article 145 précité aux termes desquelles la légitimité du motif invoqué par le demandeur ne suffit pas à justifier la mesure d’instruction. Seules...

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