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Point de départ du délai de pourvoi en cassation en matière prud’homale

Depuis l’adoption du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, les arrêts des cours d’appel rendus en matière prud’homale doivent être signifiés pour faire courir le délai de pourvoi en cassation.

par Hugues Cirayle 10 avril 2019

Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a modifié en profondeur la procédure prud’homale en cause d’appel, en opérant le passage d’une procédure orale sans représentation obligatoire à une procédure écrite avec représentation obligatoire.

Ce passage ne s’est pas fait sans incident, notamment en raison des difficultés d’application à une procédure jusque-là orale de l’ensemble des exigences d’une procédure écrite. L’arrêt sous examen est l’occasion pour la Cour de cassation d’apporter une nouvelle précision résultant des conséquences de cette réforme, cette fois sur le point de départ du délai de pourvoi en cassation à la suite d’un arrêt rendu par une chambre sociale de la cour d’appel.

En l’espèce, un salarié a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes. Par un arrêt du 13 décembre 2016, le salarié a été débouté de ses demandes par la cour d’appel de Colmar. Cet arrêt a été notifié par la cour d’appel au salarié par lettre recommandée avec avis de réception du 19 décembre 2016. Le 18 mai 2017, soit plus deux mois après la notification de l’arrêt, le salarié a déposé une demande d’aide juridictionnelle afin de former un pourvoi en cassation. Le président du bureau d’aide juridictionnelle a refusé cette aide par décision du 12 octobre 2017 au motif que la demande a été formée après l’expiration du délai de pourvoi en méconnaissance de l’article 612 du code de procédure civile. Le salarié a néanmoins formé un pourvoi le 8 décembre 2017.

La recevabilité de ce pourvoi s’est naturellement posée devant la Cour de cassation.

En application de l’article 675 du code de procédure civile, pour être opposables, les jugements doivent être notifiés par voie de signification à moins que la loi n’en dispose autrement. À défaut de signification du jugement (le terme visant aussi bien les décisions de première instance que d’appel), les délais de recours ne courent pas. À cet égard, en matière prud’homale, l’ancien article R. 516-42 du code du travail, tel qu’issu du décret n° 82-1073 du 21 décembre 1982, disposait que « les décisions rendues en matière prud’homale sont notifiées aux parties en cause par le secrétariat-greffe du conseil de prud’hommes ou de la cour d’appel ». Il en résultait que les arrêts d’appel rendus par la chambre sociale de la cour d’appel devaient être notifiés par le greffe.

Lors de la recodification du code du travail, qui a en principe été menée à droit constant, le nouvel article R. 1454-26 du code du travail a sensiblement été modifié par le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 qui disposait que « les décisions du conseil de prud’hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil ou de la cour d’appel au lieu de leur domicile ». Ainsi, ce ne sont plus les décisions rendues en matière prud’homale mais les seules décisions rendues par le conseil de prud’hommes qui devaient être notifiées par le greffe du conseil de prud’hommes ou de la cour d’appel. Malgré cette maladresse rédactionnelle qui ne visait plus expressément la notification des décisions des cours d’appel, celles-ci ont continué en pratique de notifier les décisions aux parties et il était admis que le délai de pourvoi démarrait à compter de cette notification.

Enfin, le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 a de nouveau modifié l’article R. 1454-26 du code du travail en indiquant clairement que « les décisions du conseil de prud’hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile ». Le doute n’est plus permis, depuis cette date les cours d’appel ne sont plus tenues de notifier les décisions aux parties par voie de greffe.

En conséquence, prenant acte de cette modification textuelle et au visa de l’article 675 du code de procédure civile, la Cour de cassation a jugé que, « si l’article R. 1454-26 du code du travail, en sa rédaction applicable à l’espèce résultant du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, prévoit que les décisions du conseil de prud’hommes sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile, ce texte n’en dispose pas de même pour les arrêts des cours d’appel statuant en matière prud’homale ». Partant, à défaut de signification de l’arrêt d’appel par voie d’huissier, le délai de pourvoi n’avait pas couru et le salarié était donc recevable en son pourvoi formé plus d’un an après la notification de l’arrêt d’appel. La Cour de cassation a donc considéré que la notification par la cour d’appel de Colmar de son arrêt aux parties par lettre recommandée avec avis de réception n’a produit aucun effet sur le point de départ du délai de pourvoi en cassation.

La portée de cette décision ne se limite pas au délai de pourvoi. En effet, à défaut de signification désormais d’une décision rendue par la cour d’appel en matière prud’homale, la partie gagnante au procès ne pourra en exiger l’exécution. La signification s’impose ainsi pour rendre le jugement opposable à l’adversaire. En application de l’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution, la signification doit intervenir dans les dix ans qui suivent la date du jugement.