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Pratiques anticoncurrentielles et compétence de la cour d’appel de Paris

Seule la cour d’appel de Paris est investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur l’appel formé contre les décisions rendues par les juridictions spécialisées connaissant de l’application de l’article L. 420-7 du code de commerce.

par François Mélinle 26 juillet 2018

L’article L. 420-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011, dispose que sans préjudice des articles L. 420-6, L. 462-8, L. 463-1 à L. 463-4, L. 463-6, L. 463-7 et L. 464- à L. 464-8, les litiges relatifs à l’application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 ainsi que dans les articles 81 et 82 du Traité instituant la Communauté européenne et ceux dans lesquels ces dispositions sont invoquées sont attribués, selon le cas et sous réserve des règles de partage de compétences entre les ordres de juridiction, aux juridictions civiles ou commerciales dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d’État. Ce décret détermine également le siège et le ressort de la ou des cours d’appel appelées à connaître des décisions rendues par ces juridictions.

L’article R 420-3 précise que le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes sont fixés conformément aux tableaux de l’annexe 4-2 du livre IV de la partie réglementaire du code de commerce. L’article R. 420-5 ajoute que la cour d’appel de Paris est compétente à l’égard des jugements prononcés par ces juridictions.

Ce sont précisément ces principes que l’arrêt de la chambre commerciale du 10 juillet 2018 met en œuvre, sous une réserve. Même si l’arrêt ne l’indique pas, l’article L. 420-7 n’a manifestement pas été appliqué, compte tenu de la date des faits, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 29 mars 2011 mais dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2004-1173 du 4 novembre 2004. Cela étant, cet élément n’a pu avoir aucune incidence car la rédaction de l’article L. 420-7 n’a évolué que d’un point de vue formel à la suite de l’ordonnance du 29 mars 2011. La portée de l’arrêt s’étend donc à tous les cas, qu’ils relèvent de l’article L. 420-7 dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 4 novembre 2004 ou dans sa rédaction consacrée par l’ordonnance du 29 mars 2011.

En l’espèce, une personne exploitant une salle de cinéma avait saisi le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France d’une action en réparation de préjudices subis à la suite des pratiques anticoncurrentielles qu’elle imputait à des sociétés intervenant dans le domaine de la distribution et de l’exploitation de films. Le tribunal avait alors déclaré prescrite cette action, de sorte qu’un recours avait été formé devant la cour d’appel de Fort-de-France, qui a confirmé le jugement.

La présentation de ces éléments doit être complétée par une précision : le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France est désigné par l’annexe 4-2, précitée, comme la juridiction compétente pour connaître, en application de l’article L. 420-7, des procédures applicables aux commerçants et artisans et relevant du ressort des cours d’appel de Basse-Terre, Cayenne et Fort-de-France.
La compétence de ce tribunal n’était donc pas contestable. La compétence de la cour d’appel de Fort-de-France était quant à elle à exclure puisqu’en application de l’article R 420-5, la compétence est, en cette matière, réservée à la cour d’appel de Paris.
La chambre commerciale casse donc logiquement la décision d’appel : « les actions en réparation des préjudices nés de pratiques anticoncurrentielles sont portées devant les juridictions spécialisées désignées à l’article R. 420-3 du code de commerce et (…) seule la cour d’appel de Paris est investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur l’appel formé contre les décisions rendues par ces juridictions ». La chambre commerciale ajoute par ailleurs que l’inobservation de ces règles d’ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir.

Il ne semble pas que la Cour de cassation ait déjà eu, auparavant, l’occasion d’énoncer cette solution à propos de l’article L. 420-7. L’arrêt évoque toutefois à l’évidence l’approche consacrée à propos de l’article L. 442-6, relatif aux pratiques restrictives de concurrence, et de l’article D 442-3 qui, à l’instar des articles R. 420-3 et R. 420-5, donne compétence, à l’égard de ces pratiques, à des tribunaux désignés par décret et réserve à la cour d’appel de Paris la connaissance de leurs décisions. On sait en effet qu’à propos de ces articles, la Cour de cassation décide que la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 et que l’inobservation de ces textes est sanctionnée par une fin de non-recevoir (Com. 24 sept. 2013, n° 12-21.089, Dalloz actualité, 7 oct. 2013, obs. E. Chevrier ; ibid. 2014. 893, obs. D. Ferrier , dont la portée a ensuite été précisée par Com. 29 mars 2017, nos 15-17.659, 15-24.241 et 15-27.811, Dalloz actualité, 27 avr. 2017, obs. L. Dargent ; ibid. 1075, chron. S. Tréard, F. Jollec, T. Gauthier, S. Barbot et A.-C. Le Bras ; ibid. 2018. 865, obs. D. Ferrier ; RTD civ. 2017. 722, obs. P. Théry ).