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Pratiques anticoncurrentielles : nouvelle application de la notion d’entreprise comme instrument d’imputation

L’Autorité de la concurrence condamne une société pour avoir réalisé et bénéficié de devis de couverture à l’occasion de la réalisation de travaux de sécurisation de débits de tabac. Confirmant son analyse sur ce point, elle qualifie cette pratique d’infraction par l’objet, désignant comme solidairement responsable l’auteur de la pratique, la filiale, et sa société mère, en tant qu’elles ne forment qu’une seule et même entreprise.

par Perrine Perez, Docteur en droitle 18 avril 2023

L’entreprise est la destinataire des règles de concurrence (TFUE, art. 101 s. ; C. com., art. L. 420-1 s.). De ce fait, la société mère peut se voir imputer l’infraction commise par sa filiale lorsque cette dernière est dépourvue d’autonomie, puisqu’elles sont réputées ne former qu’une seule et même entreprise, qui est désignée comme responsable. Érigée comme instrument d’imputation, cette notion fonctionnelle assure l’efficacité du droit des pratiques anticoncurrentielles en offrant comme responsable un débiteur plus solvable, la société mère. Cette affaire en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, les sociétés « Group Save » et « Age Invest » ont été condamnées solidairement pour une entente. La première en tant qu’auteur matériel de l’infraction, et la seconde en sa qualité de société mère, « personnifiant » l’entreprise formée par elles. De février 2015 à novembre 2017, la société « Group Save » avait réalisé et bénéficié de devis de couverture à l’occasion de prestations de sécurisation de débits de tabac dans les régions Hauts-de-France et Île-de-France. Cette pratique s’inscrivait dans un contexte particulier où des actes de délinquance de plus en plus importants étaient recensés contre les buralistes, obligeant les pouvoirs publics à prendre des mesures pour y remédier. Un système d’aide financière pour la sécurisation de ces établissements a alors été mis en place. L’indemnité prévue était plafonnée à 80 % du montant de l’offre économiquement la plus avantageuse, ce qui impliquait la production d’au moins deux devis, émanant d’entreprises concurrentes. Cette exigence avait été prévue afin de s’assurer que la dépense publique engagée s’opère au meilleur prix du marché. Or, dès le moment où les entreprises produisent des devis entre elles, la concurrence n’est plus effective et le prix n’est plus librement déterminé. L’objectif assigné à la mesure perd tout son intérêt. C’est ce qui est reproché à la société « Group Save », pour avoir réalisé et bénéficié de devis de complaisance, faussant la concurrence. Parce qu’elle est une filiale à 100 %, l’Autorité de la concurrence a ensuite procédé à l’imputation de cette infraction par l’objet à sa société mère, expliquant cette fois la responsabilité de la société « Age Invest ».

La condamnation de la société Group Save : les devis de complaisance, une pratique constitutive d’une infraction par l’objet. Pendant près de deux ans, l’entreprise « Group Save » a produit et bénéficié de devis de « complaisance ». Il s’agit d’un devis émanant d’une entreprise prétendument concurrente, qui propose une offre plus élevée que celle émise par l’entreprise couverte, afin que cette dernière soit retenue dans le cadre de l’appel...

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