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La procédure de sanction de l’agence antidopage est contraire à la Constitution

Le cumul des fonctions de poursuite et de jugement de l’Agence française de lutte contre le dopage méconnaît le principe d’impartialité garanti par la Déclaration de 1789.

par Jean-Marc Pastorle 8 février 2018

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des dispositions du code du sport relatives au fonctionnement et à l’organisation de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), le Conseil constitutionnel vient de déclarer non conforme à la Constitution le 3° de l’article L. 232-22 du code du sport.

Ces dispositions prévoient que l’AFLD peut réformer les décisions de sanction prises par les fédérations en application de l’article L. 232-21 du code du sport. « Dans ce cas, l’agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées. » Il était soutenu que ces dispositions sont contraires à l’exigence de séparation des autorités ou des fonctions de poursuite et de jugement découlant des droits de la défense et du principe de présomption d’innocence garantis par la Déclaration de 1789. Cette critique, formulée par deux fois sur les terrains conventionnel et constitutionnel, avait été écartée par le Conseil d’État (CE 11 mars 2011, n° 341658, Lebon 81 ; AJDA 2011. 534 ; D. 2012. 704, obs. Centre de droit et d’économie du sport ; RFDA 2012. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; 9 nov. 2011, n° 341658, Lebon 547 ; AJDA 2011. 2208 ; D. 2012. 704, obs. Centre de droit et d’économie du sport ).

Une censure logique

Mais, depuis ces arrêts, le Conseil constitutionnel a précisé sa jurisprudence en se montrant particulièrement exigeant quant à l’obligation de séparation des fonctions de poursuite et de jugement au sein des autorités administratives indépendantes (Cons. const. 2 déc. 2011, n° 2011-200 QPC, AJDA 2012. 578, chron. M. Lombard, S. Nicinski et E. Glaser ; D. 2012. 1908, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; Constitutions 2012. 337, obs. O. Le Bot ; Cons. const., 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC, AJDA 2012. 1928 ; D. 2012. 2382 ; ibid. 2013. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; RFDA 2013. 141, chron. Agnés Roblot-Troizier et G. Tusseau ; Constitutions 2013. 95, obs. O. Le Bot ). La procédure devant l’AFLD ne peut y déroger : les dispositions contestées n’opèrent aucune séparation « entre, d’une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements ayant fait l’objet d’une décision d’une fédération sportive en application de l’article L. 232-21 et, d’autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements.  Elles méconnaissent ainsi le principe d’impartialité », précise le juge constitutionnel.

Fort logique, cette décision n’en crée pas moins de lourdes conséquences quant au pouvoir de réformation de l’AFLD qui justifient « de reporter au 1er septembre 2018 la date de l’abrogation des dispositions contestées ». Mais pour préserver le rôle régulateur de l’Agence jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu’au 1er septembre, celle-ci est amenée à se saisir de toutes les décisions rendues postérieurement à la présente décision et de toutes les décisions rendues antérieurement à cette décision dont elle ne s’est pas encore saisie dans les délais légaux. Dans tous les cas, la déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances dont l’agence s’est saisie et non définitivement jugées à la date de la décision.