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Que celui qui doit conclure conclue, ou qu’il se taise à jamais

L’intimé est recevable à former un appel incident, dans le délai de trois mois de la notification des conclusions de l’intimé portant appel incident à la condition que cet appel incident modifie l’étendue de la dévolution résultant de l’appel principal, et que cet appel incident tend à aggraver la situation de cette partie intimée qui subit cet appel incident.

Un collégien est victime d’un accident à l’occasion d’une partie de hockey organisée au sein d’un collège.

La mère de la victime, en son nom personnel et en qualité de représentante de ses enfants, dont l’enfant victime, ainsi que la sœur de la victime, (nous les appellerons la « victime » pour une meilleure compréhension), agissent en responsabilité contre l’établissement, le professeur chargé de surveiller les enfants, la mutuelle, l’État français et la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).

Devant le tribunal, sont condamnés le collège et la mutuelle.

La « victime » fait appel, et demande notamment la condamnation de l’État français, non condamné en première instance. Les appelants concluent le 13 avril 2018.

Le 16 juillet 2018, le professeur, le collège et la mutuelle se portent appelants incidents, pour demander la condamnation de l’État français, intimé.

Le 16 août 2018, c’est la CPAM qui se porte appelant incident, également à l’encontre de l’État français.

Sur incident, et déféré de l’ordonnance de mise en état, les conclusions de la caisse sont déclarées recevables par arrêt sur déféré du 24 octobre 2019.

L’arrêt au fond condamne l’État français notamment à l’égard de la Caisse.

Un pourvoi est formé tant au fond que sur l’arrêt sur déféré.

L’arrêt sur déféré est cassé, et par voie de conséquence, sont cassées les dispositions de l’arrêt au fond condamnant l’État français à l’égard de la Caisse.

Pour la Cour de cassation, la Caisse devait former son appel incident dans le délai de trois mois des conclusions de l’appelant, en application de l’article 909 du code de procédure civile, dès lors que l’appel incident des autres parties intimées ne modifiait pas l’étendue de la dévolution résultant de l’appel principal et n’aggravait pas la situation de la caisse.

L’appel incident qui étend la dévolution

Un appel incident peut étendre la dévolution.

Cette précision n’est pas nouvelle, mais elle est intéressante à souligner.

En effet, lorsque l’appelant se loupe sur sa déclaration d’appel, quant aux chefs critiqués, nous savons que l’acte n’opère alors pas dévolution (Civ. 2e, 30 janv. 2020, n° 18-22.528 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 288 ; ibid. 576, obs. N. Fricero ; ibid. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; D. avocats 2020. 252, étude M. Bencimon ; RTD civ. 2020. 448, obs. P. Théry ; ibid. 458, obs. N. Cayrol ).

La question se pose alors de savoir quelle position peut prendre l’intimé, et notamment s’il peut se porter appelant incident sachant que cet appel incident élargira nécessairement une dévolution inexistante.

Si nous pouvions encore en douter, la Cour de cassation rappelle que tout intimé peut élargir la dévolution, et se porter appelant incident sur un appel dans lequel la déclaration d’appel n’aurait pas opéré dévolution (C. Lhermitte, Procédures d’appel, Dalloz, coll. « Delmas express » 2022/2023, n° 21.173).

Cependant, tout appel incident n’élargit pas toujours une dévolution.

Ainsi, lorsque l’appel porte sur la prestation compensatoire, chaque partie peut avoir un intérêt à critiquer le jugement, à savoir celui qui considère n’avoir pas obtenu une somme suffisante, et celui qui estime avoir été trop lourdement condamné.

Dans ce cas, la dévolution a été fixée par l’acte d’appel, sans...

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