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La question de fond tranchée dans le dispositif constitue une partie du principal

Le jugement statuant sur une fin de non-recevoir n’est pas susceptible d’un pourvoi immédiat s’il ne met pas fin à l’instance, sauf s’il tranche, dans le dispositif, par une disposition distincte, la question de fond dont dépend la fin de non-recevoir. 

Pour bien comprendre la portée de cet arrêt, il est important de reprendre les faits de l’espèce.

Une maison d’habitation a été édifiée, et confiée à un maître d’œuvre, en 2000.

Plusieurs années après la construction, en 2016, le bien immobilier a été vendu à une SCI.

En raison de la non-conformité de l’installation d’évacuation des eaux usées, une transaction est intervenue entre le vendeur et la SCI. Les vendeurs, estimant que le maître d’œuvre était responsable de cette non-conformité, l’ont assigné devant le tribunal judiciaire.

Le maître d’œuvre a soulevé la prescription de l’action, et a saisi à cette fin le juge de la mise en état en application de l’article 789 du code de procédure civile.

Cette fin de non-recevoir a été rejetée par le juge de la mise en état.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé l’ordonnance de mise en état.

Le maître d’œuvre a formé un pourvoi.

La troisième chambre civile s’est saisie de la question de la recevabilité du pourvoi immédiat, et a interrogé la deuxième chambre civile pour avis (Civ. 3e, 4 avr. 2024, n° 22-20.223 NP). La question était la suivante :

« L’arrêt confirmant l’ordonnance d’un juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir tirée de la prescription sans se prononcer, dans un chef de dispositif distinct, sur la question de fond relative au régime de responsabilité applicable ayant conduit à ce rejet, peut-il être frappé de pourvoi en cassation indépendamment du jugement sur le fond ? »


Après avis, la troisième chambre déclare irrecevable le pourvoi immédiat, au motif que « un jugement, rendu en dernier ressort, qui statue sur une fin de non-recevoir sans mettre fin à l’instance, n’est pas susceptible d’un pourvoi indépendamment de la décision se prononçant sur le fond, sauf s’il statue, dans son dispositif, sur la question de fond dont l’examen préalable est nécessaire pour trancher la fin de non-recevoir, par une disposition distincte, tranchant ainsi une partie du principal ».

Fin de non-recevoir et question de fond…

A priori, rien de bien nouveau.

L’article 607 du code de procédure civile, qui est au pourvoi ce que l’article 544 est à l’appel, prévoit une ouverture immédiate du pourvoi dans l’hypothèse où la fin de non-recevoir met effectivement fin à l’instance. Sont alors rejetés les pourvois exercés prématurément contre les décisions rejetant une irrecevabilité (Civ. 2e, 27 janv. 1983, n° 82-10.134 P ; Com. 2 mai 1985, n° 84-10.205 P, Gaz. Pal. 1985. 2. Pan. 297, obs. H. Croze et C. Morel ; Civ. 1re, 23 juin 1987, n° 85-15.639 P, D. 1987. 613, obs. J. Massip ; Civ. 2e, 8 mars 1989, n° 87-20.288 P ; 24 nov. 1993, n° 92-17.984, JCP 1994. IV. 250 ; Com. 12 févr. 2002, n° 98-16.035, Gaz. Pal. 12-14 janv. 2003, p. 37, obs. A. Perdriau).

La troisième chambre aurait donc pu, au regard de cette jurisprudence ancienne, déclarer irrecevable le pourvoi, sans avoir à interroger la deuxième chambre.

Mais la troisième chambre, comme cela ressort de la question posée, ne s’était pas contentée de cela, et s’était interrogée sur un point essentiel qui est celui de la question de fond dont dépend la fin de non-recevoir.

Rappelons que toutes les fins de non-recevoir ne se ressemblent pas. Il est des fins de non-recevoir qui sont purement procédurales, comme celles résultant du non-respect du délai d’appel, par exemple. Les juges doivent alors apprécier si la partie a ou non exercé son recours en appel dans le délai.

Mais certaines fins de non-recevoir sont davantage liées au fond du droit. Il en va ainsi des prescriptions par exemple. Ainsi, pour savoir si le demandeur peut agir contre le constructeur, il faut au préalable déterminer quelle est la nature de la responsabilité : garantie de parfait achèvement, garantie décennale, responsabilité contractuelle de droit commun…

Il existe alors une question de fond à trancher, avant que le juge n’examine la fin de non-recevoir, pour la rejeter ou l’accueillir.

En l’espèce, la fin de non-recevoir était une prescription de l’action, et l’on comprend, à la question posée, que le régime de la responsabilité – sur lequel nous n’avons pas de précisions – était au cœur du problème.

Sauf que dans l’ordonnance – et pas davantage dans...

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