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Les réactions contrastées des syndicats de magistrats face au futur parquet national antiterroriste
Les réactions contrastées des syndicats de magistrats face au futur parquet national antiterroriste
On en sait plus désormais sur le futur parquet national antiterroriste annoncé à la fin décembre par la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Une clarification qui suscite des réactions contrastées des syndicats de magistrats.
par Gabriel Thierryle 12 avril 2018
Un simple changement de nom, une fausse bonne idée ou encore un projet qui ne va pas assez loin… L’architecture du futur parquet national antiterroriste (Dalloz actualité, 20 févr. 2018, obs. G. Thierry isset(node/189259) ? node/189259 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>189259), détaillée dans les articles 41 à 44 de l’avant-projet de loi de programmation de la Justice, qui devrait être présenté à la mi-avril en Conseil des ministres, entraîne des réactions contrastées des syndicats de magistrats. Les deux principales organisations, l’Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM), se révèlent très sceptiques sur ce projet. Le troisième syndicat représentatif, Unité Magistrats SNM-FO, favorable à un tel parquet autonome, regrette de son côté une réforme qui n’aille pas assez loin.
Le périmètre
C’était la grosse inconnue du dossier. Quel allait être le périmètre des compétences du futur parquet national antiterroriste ? Plusieurs idées avaient été suggérées, d’une simple autonomisation de la section C1 du parquet de Paris à un nouveau parquet aux compétences extrêmement larges englobant les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les crimes contre l’humanité, les crimes et délits de guerre, les infractions commises par ou sur des militaires à l’étranger, la criminalité organisée et la cybercriminalité…
L’exécutif a tranché : le parquet antiterroriste sera compétent pour les infractions terroristes, bien évidemment, ainsi que les infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive et les crimes contre l’humanité et les crimes et délits de guerre. « Ils se sont contentés d’un périmètre minimaliste, sans doute après avoir réalisé que ce n’était pas cohérent techniquement d’adjoindre des contentieux supplémentaires, indique à Dalloz actualité Vincent Charmoillaux, l’un des secrétaires nationaux du Syndicat de la magistrature. Dans les faits, la nouvelle structure ne va pas changer grand chose. »
Un périmètre qui se révèle également décevant pour l’USM. « Pour que l’organisation actuelle du parquet soit plus efficace, il fallait une compétence plus étendue, sauf que dans ce cas cela devenait ingérable, explique à Dalloz actualité Jacky Coulon, le secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats. Or, ce qui nous paraissait intéressant avec la section C1 du parquet de Paris, c’était le travail en relation avec les autres sections du parquet qui traitaient de matières connexes comme la cybercriminalité, le trafic d’armes, les stupéfiants, ou les infractions économiques pour le blanchiment. »
Les délégués
Outre la création d’un parquet national antiterroriste, le gouvernement créé des magistrats délégués à la lutte contre le terrorisme au sein « des parquets de première instance dont les ressorts sont particulièrement exposés à la montée de l’extrémisme violent » – la liste sera fixée par arrêté. Ils seront chargés d’informer le procureur de la République antiterroriste, de participer à la coordination administrative de prévention et de détection du terrorisme et de la radicalisation, et de suivre les personnes identifiées comme radicalisées dans leur ressort, dont plus particulièrement celles placées sous main de justice.
Pour les syndicats de magistrats, le gouvernement réinvente l’eau chaude. Car il existe déjà des référents dans les parquets locaux. Pourtant, en instituant des délégués, le ministère de la Justice esquisse très timidement un pas de côté par rapport à la tendance historique à la centralisation du modèle antiterroriste français, allant ainsi dans le sens des propositions du syndicat de la magistrature et d’Unité Magistrats SNM-FO. Ils plaident tous les deux, pour des raisons différentes, pour s’appuyer plus sur le modèle des juridictions interrégionales spécialisées. Le premier à cause d’une centralisation jugée excessive dans l’antiterrorisme pouvant entraîner une « proximité parfois problématique avec les services enquêteurs ». Le second pour une meilleure efficacité de la justice face à un phénomène terroriste devenu hybride mêlant délinquance et attentats. « Nous ne pouvons plus travailler en silo, explique à Dalloz actualité Béatrice Brugère, la secrétaire générale d’Unité Magistrats SNM-FO. Nous réclamons une vraie déconcentration en matière terroriste avec les juridictions interrégionales spécialisées, aux techniques d’enquêtes communes, pour leur donner une double casquette. Cela va dans le sens de l’histoire de nos partenaires, qui ont créé des antennes locales, que ce soit dans le renseignement ou dans les forces d’intervention de la police et de la gendarmerie. »
L’efficacité
Le ministère de la Justice espère créer avec sa réforme « une véritable force de frappe ». Un constat pas partagé par l’Union syndicale des magistrats. « Cette réforme, c’est une fausse bonne idée, estime Jacky Coulon. Elle avait été écartée du temps du ministère de Jean-Jacques Urvoas, et les données de l’époque sont toujours d’actualité. » Le secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats estime au contraire que la nouvelle organisation « va finalement réduire l’efficacité de la lutte antiterroriste ». Même si ses effectifs sont en hausse, avec une trentaine de parquetiers, soit plus du double des effectifs actuels de la section C1 du parquet de Paris, le renfort de magistrats en cas de crise majeure passera désormais par une réserve opérationnelle et un mécanisme de délégation judiciaire là où « un seul coup de fil » suffisait pour les magistrats parisiens, déplorent l’USM et le SM, qui appellent toutes deux à une manifestation, le 11 avril, contre le projet de loi de programmation pour la justice. « Cette réforme de l’antiterrorisme, c’est déjà un premier pas, estime au contraire Béatrice Brugère. Nous portions une vision plus ambitieuse et globale, mais nous avons l’espoir que très rapidement la nouvelle organisation évolue. Ma seule réserve, c’est qu’il faut arrêter de perdre du temps. » Et d’avertir : « demain, en cas d’attentats multiples en France et dans les DOM-TOM, le parquet de Paris explose. »
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