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Recours-annulation contre les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires : notion et régime

En matière de contestation d’honoraires, le premier président saisi sur recours-annulation contre la décision du bâtonnier est tenu de statuer au fond par l’effet dévolutif dudit recours si l’irrégularité constatée porte, non pas sur la saisine du bâtonnier, mais sur l’absence de respect du principe de la contradiction. Tel est le cas lorsque l’irrégularité concerne la convocation du client après saisine régulière du bâtonnier par l’avocat.

Le contentieux de la fixation d’honoraires alimente régulièrement l’actualité en procédure civile. C’est en particulier la question des recours contre la décision du bâtonnier qui fait difficulté. En témoigne une fois encore cet arrêt du 20 juin 2024.

Un époux confie à une avocate la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce. Une convention d’honoraire est régularisée. Face à d’apparentes difficultés, l’avocate se résigne à saisir son bâtonnier en fixation d’honoraires. Les services de l’ordre adressent au client une lettre de convocation qui revient avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ». Un commissaire de justice est mandaté. Il finit par dresser un procès-verbal de recherches infructueuses et par procéder à la signification de l’acte selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile. Sans surprise, le client est absent au jour fixé par le bâtonnier pour l’audition des parties. Le bâtonnier rend malgré tout sa décision, qu’on imagine favorable à l’avocate.

Recours est formé par le client devant un premier président de cour d’appel. Celui-ci rend pour sa part une décision favorable au client : il annule l’acte d’huissier de justice portant convocation de l’intéressé devant le bâtonnier faute de satisfaire aux prescriptions de l’article 659 du code de procédure civile, ce qui le conduit à annuler la décision rendue par le bâtonnier par voie de conséquence.

Le premier président ne statue néanmoins pas au fond ensuite de cette annulation : il souligne l’absence d’effet dévolutif du recours formé par le client dans la mesure où celui-ci tendait à l’annulation de la décision du bâtonnier par suite d’une irrégularité de la saisine de la juridiction de première instance, le recourant n’ayant par ailleurs pas conclu au fond à titre principal.

Pourvoi est formé. L’avocate reproche au premier président de n’avoir pas statué sur le fond après avoir annulé la décision entreprise. L’unique moyen de cassation est habile. Après le premier président dans cette affaire, l’avocate reprend la grille de lecture classique en matière d’appel-annulation, à savoir que la juridiction du second degré doit statuer au fond en raison de l’effet dévolutif lorsque l’irrégularité alléguée ne concerne pas la saisine. Or, souligne-t-elle, en matière de fixation d’honoraires, « le bâtonnier est saisi par la lettre recommandée avec accusé de réception que lui adresse le demandeur et non par la citation à comparaître délivrée au défendeur, laquelle n’a pour objet que de permettre un débat contradictoire » (§ 5). Est alléguée la violation des articles 562 du code de procédure civile et de l’article 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Le moyen fait mouche. Il emporte la cassation au visa des articles 175 et 176 dudit décret, le second de ces textes prévoyant la possibilité de recours devant le premier président en matière de contestation d’honoraires cependant que le premier indique que sa saisine est réalisée au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cela permet à la deuxième chambre civile de replacer le curseur : l’irrégularité constatée « portait non sur la saisine du bâtonnier mais sur l’absence de respect du principe de la contradiction » (§ 9). La conclusion suit, implacable : le premier président « était, par l’effet dévolutif du recours, tenu de statuer au fond » (§ 9). Cassation avec renvoi est prononcée.

Au-delà de son apport pratique immédiat qui se laisse aisément saisir, cette décision laisse apparaître un paradoxe intéressant. D’un côté, la deuxième chambre civile prend soin de ne pas assimiler à un appel le recours ouvert devant le premier président contre les décisions du bâtonnier en matière de contestation d’honoraires. Il y a là un refus d’assimilation notionnelle. D’un autre côté, et c’est là tout le sel de la décision, la deuxième chambre civile aligne implicitement le régime du recours-annulation devant le premier président sur celui de l’appel-annulation sous l’angle de l’effet dévolutif et du devoir de statuer au fond. Il y a là une assimilation de régime.

Refus d’assimilation notionnelle

Un rappel de la teneur des textes applicables n’est pas inutile. Selon l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, les contestations en matière d’honoraires ne peuvent être réglés qu’en recourant à une procédure particulière, prévue aux articles suivants. Le principe est que les réclamations sont soumises au bâtonnier (saisi par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé), lequel bâtonnier peut être saisi par le client autant que par l’avocat (art. 175).

Le bâtonnier a quatre mois pour rendre sa décision, sauf prorogation ; si ce délai expire sans qu’une décision ait été rendue, il incombe alors aux parties de saisir le premier président de la cour d’appel, qui statuera...

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