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Réserve spéciale de participation : limite à l’action en justice du syndicat

L’action du syndicat, tendant à la constitution d’une réserve spéciale de participation en raison d’une fraude aux droits des salariés qui résulterait d’une mise en location gérance, est, parce qu’elle supposerait l’examen préalable de la validité du transfert légal des contrats de travail, irrecevable.

par Bertrand Inesle 5 avril 2016

La participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise et prend la forme d’une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise, constituant la réserve spéciale de participation (C. trav., art. L. 3322-1). Compte tenu de l’objectif affiché, on pourrait s’attendre à ce qu’une organisation syndicale de salarié puisse saisir le tribunal de grande instance en cas de non-respect des dispositions relatives à la participation, et plus particulièrement des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles qui fixent les sommes constituant la réserve spéciale de participation (C. trav., art. L. 3324-1 s.). Les syndicats sont, en effet, autorisés à exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (C. trav., art. L. 2132-3), ce qui leur a, entre autre, permis d’agir en raison d’une atteinte à la liberté syndicale (V. Soc. 26 nov. 1969, Bull. civ. V, n° 640), d’une irrégularité des élections professionnelles (V. Soc. 12 juill. 2006, n° 05-60.353, Bull. civ. V, n° 252) ou de l’inapplication d’une convention ou accord collectif de travail (V. Soc. 30 nov. 2010, n° 09-42.990, Bull. civ. V, n° 276 ; JCP S 2011. 1066, obs. Y. Pagnerre ; 11 juin 2013, n° 12-12.818, Bull. civ. V, n° 151). La Cour de cassation a d’ailleurs admis la recevabilité de l’action du syndicat qui tend à la condamnation de l’employeur à constituer une réserve spéciale de participation et à sa répartition entre les salariés de l’entreprise et non à la constitution de droits déterminés au profit de salariés nommément désignés, parce que le manquement invoqué porte atteinte à l’intérêt collectif de la profession (V. Soc. 3 mai 2007, n° 05-12.340, Bull. civ. V, n° 68 ; D. 2007. 1504, obs. A. Fabre ; Dr. soc. 2008. 571, étude O. Levannier-Gouël ; RDT 2007. 536, obs. G. Borenfreund ; JCP S 2007. 1918, note R. Vatinet ; Lexbase hebdo, n° 260, 17 mai 2007, éd. soc., note G. Auzero).

Pourtant, dans un arrêt du 9 mars 2016, la chambre sociale apporte une limite à cette dernière solution.

En l’espèce, une société a donné son fonds de commerce en location-gérance à une autre société appartenant au même groupe, emportant le transfert d’un certain nombre de contrats de travail. Le contrat de gérance a été conclu après qu’une promesse de vente portant sur un bien immobilier appartenant à la première société eut été conclu et avant que la vente définitive de ce bien a été définitivement signée par acte authentique, permettant la réalisation, au profit de la première société, d’un résultat bénéficiaire au titre de l’année de conclusion de ce dernier contrat. Alléguant une fraude des sociétés aux droits des salariés à la participation aux résultats de la première société, une organisation syndicale a fait assigner les deux sociétés devant le tribunal d’instance en constitution d’une réserve de participation au profit des salariés sur les bénéfices réalisés au cours de l’année de conclusion de la vente. L’action fut favorablement accueilli par la cour d’appel aux motifs que l’absence de réserve de participation, instituée collectivement par l’article L. 3322-1 du code du travail au profit des salariés, cause nécessairement un préjudice direct à l’intérêt collectif de la profession que ce syndicat représente et sur lequel il fonde son action. La décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l’article L. 2132-3 du code du travail, ensemble l’article L. 1224-1 du même code. La chambre sociale estime que l’action exercée par le syndicat tendant à la constitution d’une réserve spéciale de participation en raison d’une fraude alléguée aux droits des salariés à la participation aux résultats de l’entreprise, qui résulterait d’une mise en location-gérance, suppose au préalable que le juge se prononce sur la validité du transfert des contrats de travail intervenu en application de l’article L. 1224-1 du code du travail et que l’action en contestation du transfert d’un contrat de...

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