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Tirs croisés des oppositions sur le projet de loi fonction publique

La principale modification apportée par l’Assemblée nationale au projet de loi de transformation de la fonction publique est la fusion de la commission de déontologie avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Celle-ci disposera de pouvoirs élargis pour contrôler le pantouflage.

par Marie-Christine de Monteclerle 29 mai 2019

Les débats à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de transformation de la fonction publique ont vu les oppositions de droite et de gauche unir leurs voix pour contester des pans entiers du projet, finalement adopté le 28 mai.

Ainsi, des députés LR, communistes et socialistes ont tenté de défendre, presque dans les mêmes termes, le rôle des commissions administratives paritaires comme outils d’apaisement du dialogue social. Les réticences ont été largement partagées aussi sur l’élargissement du recours aux contractuels, même si les positions étaient souvent plus nuancées que celle de l’insoumis Ugo Bernalicis, prédisant que « demain, nous aurons non pas un Benalla, mais des dizaines, parce que vous aurez autorisé le recrutement de contractuels sur des emplois publics permanents de direction ».

Sa majorité a cependant permis au gouvernement de faire voter un texte qui n’est pas réellement bouleversé, en dépit de modifications non négligeables, parfois adoptées contre son avis. C’est ainsi qu’en dépit de ses réticences, les agents de catégorie C ont été exclus du champ du contrat de projet. C’est aussi une union des députés de tous les groupes qui a décidé de la fusion de la commission de déontologie de la fonction publique avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), refusant même au secrétaire d’État Olivier Dussopt le maintien d’un collège spécifique pour la déontologie.

Publication des avis de la HATVP

Les dispositions relatives à la déontologie sont celles qui ont le plus évolué par rapport au texte du gouvernement. Reprenant certaines propositions du rapport d’Olivier Marleix et Fabien Maitras (AJDA 2018. 192), les députés ont aussi prévu la publication des avis de la HATVP lorsque les agents concernés ont effectivement pris le poste. Pour assurer le respect des réserves éventuellement émises, le fonctionnaire, pendant les trois ans suivant le début de son activité privée, devra adresser annuellement à la Haute Autorité une attestation, signée par lui et son employeur, indiquant qu’il respecte l’avis. La composition de la HATVP est revue. Outre, le président, nommé par décret, elle devrait comporter six magistrats et six personnalités qualifiées. Les deux conseillers d’État, deux conseillers à la Cour de cassation et deux conseillers maîtres à la Cour des comptes (dont au moins un en activité dans chaque juridiction) seront élus par leurs pairs. Deux personnalités qualifiées seront désignées par le président de l’Assemblée nationale et deux autres par le président du Sénat, après avis conforme des commissions des lois à la majorité des trois cinquièmes, les deux dernières par le gouvernement.

Les députés ont, par ailleurs, souhaité ajouter différences mesures de transparence. Ainsi, les ministères, les collectivités de plus de 80 000 habitants et les hôpitaux dont le budget dépasse 200 millions d’euros devront publier chaque année sur leur site internet la somme des dix rémunérations les plus élevées. Deux dispositions concernent les autorités administratives et publiques indépendantes. D’abord, la prise en compte des pensions de retraite perçues par les membres et présidents pour écrêter leur indemnité. Ensuite, une limite d’âge pour la nomination ou le renouvellement de leurs présidents, fixée à 68 ans.

Au chapitre du dialogue social, la commission des lois a étendu la compétence des comités sociaux d’administration (CSA) à l’accessibilité des services et à la qualité des services rendus, aux politiques d’égalité professionnelle et à la lutte contre les discriminations, à la déconnexion. À noter également, l’obligation pour chaque administration d’élaborer un rapport social unique et de créer une base de données sociales accessible aux représentants du personnel. Ou encore la création d’une commission consultative paritaire unique dans chaque collectivité pour les contractuels.

Définition des missions du directeur général des services

Dans la fonction publique territoriale, le décret sur le recrutement des contractuels sur emplois de direction précisera les fonctions exercées par le directeur général des services des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale. Une disposition critiquée par l’Association des maires de France (v. encadré).

Les dispositions relatives aux instances de la fonction publique territoriale ont fait l’objet de peu de modifications. Olivier Dussopt a tenté de rassurer les députés qui s’inquiétaient de l’avenir du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) : « Conservons donc le système actuel : le CNFPT, sa gestion paritaire, la liberté d’organisation de ses prestations ». Ce qui ne l’a pas empêché de faire voter un amendement mettant à la charge de l’établissement 75 % du coût de la formation des apprentis de la fonction publique territoriale, une charge que le député socialiste Boris Vallaud a évaluée à au moins 55 millions d’euros, plus du double si l’objectif de 20 000 apprentis est atteint, sur les 350 millions d’euros de budget du CNFPT.

Parmi les autres dispositions nouvelles adoptées, on peut citer une habilitation du gouvernement à adopter par ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois, la partie législative du code général de la fonction publique. Les autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et aux événements familiaux seront encadrées par décret. Le temps de travail des agents de l’État (hors enseignants) est fixé à 1 607 heures avec la possibilité de mesures d’adaptation tenant compte des sujétions auxquelles sont soumis certains agents par décret.

Les maires s’inquiètent de la remise en cause du statut

L’Association des maires de France (AMF) a fait part, le 23 mai, de l’inquiétude que lui inspirent les conséquences de certaines mesures adoptées. Le comité directeur de l’AMF estime que « ce texte peut mettre en grande difficulté les communes et les intercommunalités du fait de la remise en cause du statut de la fonction publique avec, notamment, la trop grande ouverture à l’emploi des contractuels et l’introduction de la rupture conventionnelle ».

Il pointe une « perte de représentation des employeurs territoriaux », par l’extension des compétences du conseil commun de la fonction publique. Les maires s’interrogent aussi sur les conséquences financières de la prime de précarité. Une préoccupation partagée par la Fédération hospitalière de France qui a évalué le coût de la mesure pour les établissements de santé à 150 millions d’euros et réclame un financement ad hoc.

Les maires s’opposent également au financement de l’apprentissage par le CNFPT qui diminuerait la formation des agents territoriaux. Enfin, ils rappellent, « en application du principe de libre administration, qu’il leur appartient de définir les missions confiées à leur directeur général des services ».