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Travail d’intérêt général, consentement du prévenu et motivation : quid juris ?

La chambre criminelle rejette le pourvoi dans lequel le requérant invoquait le défaut de motivation de la peine de travail d’intérêt général au regard de sa situation personnelle. En effet, le prononcé d’une telle peine étant subordonné à l’accord préalable de l’intéressé, il implique nécessairement la prise en compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de la situation personnelle de celui-ci.

par Dorothée Goetzle 10 mai 2019

En l’espèce, un individu forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel qui, pour blessures involontaires, l’a condamné à 105 heures de travail d’intérêt général et à huit mois de suspension du permis de conduire. Pour justifier le prononcé de cet arrêt confirmatif, en particulier, le choix de la peine, les juges du fond relevaient que l’intéressé avait fait l’objet, en 2015, d’une condamnation pour infraction au code de la route qui aurait dû l’inciter à une prudence toute particulière. Ce faisant, la suspension du permis de conduire leur apparaissait adaptée aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’auteur. Or, dans son pourvoi, le requérant fait remarquer que toute peine, notamment la peine de travail d’intérêt général, doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle. Il considère que la cour d’appel, en ne s’étant pas expliquée sur sa situation personnelle, n’a pas suffisamment motivé sa décision.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. En effet, les hauts magistrats soulignent que le prononcé de la peine de travail d’intérêt général était subordonné à l’accord préalable de l’intéressé. Ainsi, « il implique nécessairement la prise en compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de la situation personnelle de celui-ci ».

En d’autres termes, cet arrêt signifie qu’un demandeur ne saurait se faire un grief d’un défaut de motivation de la peine de travail d’intérêt général au regard de sa situation personnelle, dès lors que le prononcé d’une telle peine étant subordonné à son accord préalable, il implique nécessairement la prise en compte de la gravité des faits, de la personnalité de l’auteur et de sa situation personnelle. En l’espèce, le rejet du pourvoi est particulièrement intéressant en ce qu’il intervient peu de temps après la consécration, par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, de l’obligation générale de motivation du prononcé des peines créée par la jurisprudence (Crim. 1er févr. 2017, nos 15-83.984, 15-85.199 et 15-84.511, Dalloz actualité, 16 févr. 2017, obs. C. Fonteix ; D. 2017. 961 , note C. Saas ; ibid. 1557, chron. G. Guého, E. Pichon, B. Laurent, L. Ascensi et G. Barbier ; ibid. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2017. 175, note E. Dreyer ; AJCT 2017. 288, obs. S. Lavric ; 8 mars 2017, n° 15-87.422, Dalloz actualité, 3 avr. 2017, obs. C. Fonteix ; ibid. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; RDI 2017. 240, obs. G. Roujou de Boubée ; 15 mars 2017, n° 16-83.838, Dalloz actualité, 7 avr. 2017, obs. C. Benelli-de Bénazé ; 21 mars 2018, n° 16-87.296, D. 2018. 672 ; 30 mai 2018, n° 16-85.777, Dalloz actualité, 8 juin 2018, obs. D. Goetz ; ibid. 1711, chron. E. Pichon, G. Guého, G. Barbier, L. Ascensi et B. Laurent ; AJ pénal 2018. 407, note J.-B. Perrier ). En effet, selon le nouvel article 485-1 du code de procédure pénale, « en cas de condamnation, sans préjudice des dispositions prévoyant la motivation spéciale de certaines peines, notamment des peines non aménagées d’emprisonnement ferme, la motivation doit également porter sur le choix de la peine au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s’il s’agit d’une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l’objet de l’infraction. Les obligations particulières du sursis probatoire n’ont pas à être motivées ».

Les précisions apportées par cet arrêt sont, en outre, particulièrement bienvenues puisque la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 favorise largement le recours au travail d’intérêt général. En particulier, le nouvel article 131-8 du code pénal prévoit que le travail d’intérêt général peut dorénavant être prononcé dans le cas où le prévenu n’est pas présent à l’audience et n’a pas donné au préalable son accord par écrit. Le juge de l’application des peines doit alors informer le condamné, avant la mise à exécution de la peine, de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail – auquel cas, tout ou partie de l’emprisonnement ou de l’amende fixée au préalable par la juridiction peut être mis à exécution (J. Frinchaboy, Le sens et l’efficacité des peines dans la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, AJ pénal 2019. 198  ; P. Januel, Surpopulation caracérale : voter de nouvelles lois sert-il à quoi que ce soit ?, AJ pénal 2019. 165 ).