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Un avis de l’ARJEL sur les interdictions et les limitations de parier

L’ARJEL vient de répondre à la question suivante : un opérateur de paris sportifs peut-il refuser de contracter avec un parieur ou limiter le montant de ses mises sur un pari ? Elle développe son analyse en se fondant à la fois sur la loi du 12 mai 2010 de régulation des jeux en ligne et sur le code de la consommation.

par Xavier Delpechle 14 décembre 2017

L’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) est une autorité administrative indépendante qui dispose de compétences variées : pouvoir d’agrément des opérateurs de jeux ou de paris en ligne, d’homologation des logiciels de jeux et de paris utilisés par les opérateurs, de limitation des offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs, de sanctions, enfin d’avis et de recommandation en matière de politique de jeu d’argent. Elle vient de rendre un avis dans lequel elle répond à la question suivante : un opérateur de paris sportifs peut-il refuser de contracter avec un parieur ou limiter le montant de ses mises sur un pari ? Elle développe son analyse à travers l’examen de deux séries de règles, d’une part, celles énoncées dans la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 modifiée relative à l’ouverture de la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, d’autre part, celles inscrites dans le code de la consommation.

Droit du jeu

La loi du 12 mai 2010 prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles l’opérateur a soit l’interdiction de donner suite à l’acceptation de l’offre de paris qu’il propose, soit l’obligation d’empêcher un parieur de miser davantage qu’il n’est autorisé à le faire. S’agissant d’abord des interdictions de parier, cette loi interdit à l’opérateur de valider le pari qu’il a offert parce que le parieur présente une qualité déterminée : qualité de mineur, mêmes émancipé, interdiction de jeu en vertu de la réglementation en vigueur, exclusion à la demande de l’intéressé lui-même (art. 5, al. 2). Pour ce qui est ensuite des limitations de parier, la loi de 2010 contraint l’opérateur à mettre en place des dispositifs d’autolimitation des dépôts et des mises des joueurs (art. 26, al. 2). L’opérateur, précise l’ARJEL, peut se prévaloir de ces limitations décidées par le joueur.

Code de la consommation

Concernant les règles figurant dans le code de la consommation, il s’agit de celles relatives au refus de fournir un service et celles concernant les pratiques commerciales trompeuses. S’agissant du refus de fournir un service, c’est une pratique interdite par l’article L. 121-1 du code de la consommation, dont le premier alinéa dispose : « Est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime ». La prohibition ne s’applique qu’en présence d’un professionnel, ici l’opérateur, et d’un parieur ayant la qualité de consommateur (ce qui n’est pas toujours le cas, le pari étant parfois un métier à part entière). Elle vise l’interdiction pour un opérateur de ne pas contracter avec un consommateur auquel il propose de parier, mais également le fait d’empêcher une personne de placer une mise d’un montant identique à celle placée par une autre personne sur un pari identique. Dans ce cas, il s’agit d’un refus partiel de fournir le service. Bien évidemment, sont également interdits les refus de vente qui seraient fondés sur une volonté de discrimination du fait de la race, du sexe, des mœurs et de la religion d’une personne. L’article L. 121-1 ne définit pas ce qu’il entend par « motif légitime ». En matière de jeu en ligne, un tel motif est évidemment présent lorsqu’il répond à une interdiction légale, par exemple l’interdiction pour un opérateur de contracter avec un mineur ou une personne inscrite sur les fichiers des interdits de jeux. Pour l’ARJEL, dans le domaine propre des paris en ligne, « l’exposition financière d’un opérateur peut justifier le refus d’accepter certains paris ». Encore faut-il que « ce refus ne s’accompagne pas d’une discrimination entre les parieurs ». Mais l’ARJEL insiste particulièrement sur le point suivant : quelle que soit l’hypothèse de refus avancée par l’opérateur, ce dernier doit pouvoir justifier auprès du gendarme des jeux en ligne « de la réalité du motif légitime dont il se prévaut à partir de faits tangibles et non au regard d’indices dont la faiblesse trahirait l’absence de légitimité ».

Les pratiques examinées pourraient également caractériser une pratique commerciale trompeuse au regard des a) et b) du 2° de l’article L. 121-2 du code de la consommation qui qualifient ainsi la pratique consistant pour un professionnel à formuler « des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : a) l’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité […] ». Est aussi trompeuse la pratique consistant, selon le b) du 6° de l’article L. 121-4 du même code, à « proposer l’achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite […] de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable ». L’ARJEL précise que la pratique commerciale trompeuse suppose la caractérisation de faits tels que ceux ci-dessus mais, en outre, reprenant le critère posé par l’article 5, § 2, de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, que cette pratique « soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle, mais aussi qu’elle altère ou soit susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen à l’égard du service en cause ». Ces règles sont applicables même entre professionnels. S’agissant des sanctions, les pratiques commerciales trompeuses sont punies d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 €. Leur auteur, ajoute l’ARJEL, engage en outre sa responsabilité, sans doute civile, même si le régulateur ne le précise pas. Il peut enfin être déféré devant la Commission des sanctions de l’ARJEL.