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Viser n’est pas motiver, tant pour le procureur que pour le JLD

Lorsqu’il autorise une mesure de géolocalisation, le procureur de la République doit motiver sa décision par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que cette opération est nécessaire. Il peut compléter sa motivation par référence à des pièces de la procédure, mais il ne peut se contenter de simplement viser la demande qui lui a été adressée par les enquêteurs. 

Parmi les nombreuses modifications législatives opérées par la loi du 23 mars 2019, celle de l’article préliminaire est passée relativement inaperçue. Depuis le 1er juin 2019, le dixième alinéa de cet article dispose que les mesures portant atteinte à la vie privée d’une personne ne peuvent être prises que sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Cet ajout avait alors fonction de contrepoids symbolique à l’extension des possibilités de recours aux interceptions téléphoniques et à la géolocalisation. En effet, cet alinéa ne fait que réaffirmer les exigences d’autorisation judiciaire préalable portées par des dispositions spéciales, relatives à la géolocalisation (C. pr. pén., art. 230-33), à l’interception de communications (C. pr. pén., art. 100 et 706-95) ou à d’autres techniques spéciales d’enquête (C. pr. pén., art. 706-95-12). Pour les mesures causant les plus graves atteintes à la vie privée, l’autorisation doit être délivrée par un juge du siège, qu’il soit juge d’instruction ou juge des libertés et de la détention (JLD) (Cons. const. 21 mars 2019, n° 2019-778 DC, consid. 166, Dalloz actualité, 25 mars 2019, obs. P. Januel ; ibid. 25 mars 2019, obs. T. Coustet ; AJDA 2019. 663 ; D. 2019. 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ fam. 2019. 172, obs. V. Avena-Robardet ; Constitutions 2019. 40, chron. P. Bachschmidt ; Constitutions 2019. 40, chron. P. Bachschmidt ; JCP 2019. 359, obs. A. Botton ; CCE 2019. Comm. 34, obs. A. Lepage ; Dr. pénal 2019. Alerte 26, obs. W. Roumier ; Procédures 2019. Comm. 172, obs. J. Buisson ; Gaz. Pal. 7 mai 2019, n° 17, p. 44, obs. F. Fourment ; LPA 15 juill. 2019, n° 140, p. 3, obs. J.-P. Derosier). Pour le reste, c’est une autorisation de « l’autorité judiciaire » qui est exigée, cette expression désignant à la fois les juges judiciaires et les représentants du ministère public (Cons. const. 21 mars 2019, préc., consid. 179). Dans certains cas, ces magistrats peuvent autoriser les mêmes actes d’investigation, avec les mêmes exigences de motivation.

Les circonstances de l’espèce

Dans la présente affaire, un homme mis en examen pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et d’association de malfaiteurs a formé une requête en annulation de plusieurs actes d’enquête, dont des opérations de géolocalisation d’un véhicule et de lignes téléphoniques. Celles-ci avaient fait l’objet d’une autorisation par le procureur de la République, qui avait justifié les mesures par les « nécessités de l’enquête » et par un renvoi à la motivation développée par les enquêteurs dans leur demande d’autorisation. Pour la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Orléans, le représentant du ministère public pouvait valablement motiver sa décision par référence aux éléments de faits et de droit figurant dans les demandes circonstanciées des enquêteurs. À l’inverse, le pourvoi a estimé que la motivation par seule référence à ces demandes et aux « nécessités de l’enquête » était insuffisante, et qu’admettre le contraire constituait une violation des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 230-32, 230-33, 591 et 593 du code de procédure pénale.

Après avoir visé l’article 230-33, alinéa 5, du code de procédure pénale, la Cour de cassation a livré son interprétation de la disposition. Le texte exige une autorisation motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que la mesure de géolocalisation est...

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