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Reportage 

Une journée avec… un commissaire des armées

Milieu très sécurisé et a priori difficile d’accès, les armées demeuraient l’un des secteurs que Dalloz actualité n’avait pas encore abordé. C’est maintenant chose faîte grâce à l’ouverture de l’état-major de la marine qui a accepté de recevoir notre rédactrice le temps d’un exposé théorique dans les bureaux du 2, rue royale à Paris, puis à Cherbourg, sur l’un des sites les plus importants de l’institution, face à ce que d’aucuns appellent aujourd’hui « l’autoroute de la mer ». Elle y a rencontré le commissaire en chef Theillier, chef de la division de « l’action de l’État en mer » à la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, à Cherbourg. Il travaille sous l’autorité de l’Amiral préfet maritime, compétent en mer de la frontière belge au Mont-Saint-Michel. 

par Anaïs Coignacle 3 mai 2013

Journée type

Les journées du commissaire en chef Theillier commencent autour de 7 h 45, à moins qu’une importante opération de sauvetage ou de secours en mer ait nécessité son intervention. Mais cela n’arrive plus que rarement (V. Interview). Dès 8 h 30, une séance de briefing commence avec les agents du service dont l’officier d’astreinte qui explique les opérations qui se sont déroulées pendant la nuit. Il est également question de la météo, de la situation géographique et de la disponibilité des « bâtiments » de l’État (terme utilisé pour évoquer les bateaux et « vecteurs » qui composent la flotte militaire et celle des autres administrations) afin de pouvoir les solliciter en cas de besoin. Puis la journée consiste à réaliser des petites opérations de mise en relation, de circuits d’informations, de traitement d’aspects réglementaires. Le commissaire en chef répartit le travail entre ses hommes et organise des réunions sur les missions en cours, les projets, les requêtes des ministères, les événements auxquels participe la préfecture maritime de Cherbourg, etc. En somme « un travail de bureau », comme le qualifie le  commissaire en chef mais avec des déplacements sur le site ou sur les autres sites de la Manche et de la mer du Nord. Les agents se réunissent également le soir pour un briefing, sans le commissaire en chef qui a déjà donné ses instructions. Enfin, le vendredi après-midi, une réunion clôt la semaine de travail et permet d’avoir une visibilité sur les actions à venir.

Une organisation complexe

C’est par une séance d’explication sur le fonctionnement de la Marine nationale que commence l’enquête de Dalloz actualité, dans les bureaux centraux à Paris. Un passage obligé pour comprendre le rôle de l’état-major de la marine et en particulier les missions des services juridiques au sein de cette immense institution qui couvre 7 000 km de littoral entre la métropole française et l’Outre-mer. Plusieurs bureaux traitent des affaires juridiques au sein des armées. L’un traite du juridique « classique », c’est-à-dire du droit administratif, des protocoles, des conventions, des recours. L’autre est dit « juridique opérationnel ». C’est celui dont fait partie le commissaire Michel, trente ans, adjoint au chef du bureau du droit de la mer et des événements en mer (DREM), dont le rôle principal consiste à apporter des conseils juridiques pour les opérations aéro-maritimes menées par la marine. Un fonctionnement bicéphale qui est « dupliqué pour chaque commandement décentralisé, soit à Toulon, Brest, Cherbourg et dans l’Outre-mer », même si le bureau DREM assure la cohérence de toutes les informations. Ce système permet une gestion rationalisée des problèmes : les moins complexes et inédits sont traités directement au niveau local.

« L’organisation, dans les marines comparables des pays occidentaux est, le plus souvent, similaire ne serait-ce que par rapport à l’OTAN dont nous sommes membres et les accords de normalisation sur l’organisation, les procédures, les règles à appliquer. Ce qui change, c’est le nombre, la densité et les moyens, mais l’organisation de l’état-major est assez formatée », ajoute le commissaire Michel. Pour autant, les préfectures maritimes (les échelons décentralisés) fonctionnent sur un modèle « d’organisation interministérielle qui est une particularité très française », assure-t-il. De fait, si ces entités sont civiles car « préfectorales », elles sont dirigées par un amiral. Celui-ci est donc le préfet maritime, représentant civil de l’État pour la mer, et commandant maritime militaire. « C’est une distinction importante car les pouvoirs, les actions et la finalité ne sont pas les mêmes. Et le conseiller juridique doit en tenir compte pour basculer dans les deux domaines », souligne le commissaire. Concrètement, l’amiral interviendra en tant que préfet maritime pour des opérations de type « lutte contre l’immigration illégale » ou « lutte contre les stupéfiants ». Il agira et signera des documents en tant que commandant militaire lorsqu’il s’agira d’une opération militaire telle que l’« opération Harmattan » réalisée en Libye en 2011.

Cette organisation interministérielle se retrouve dans le fonctionnement interne des préfectures maritimes. A Cherbourg, le commissaire en chef Theillier qui est le numéro 3 de la préfecture maritime, dirige une équipe de dix officiers et cadres civils issus de différents ministères. Deux d’entre eux travaillent en lien avec le ministère du développement durable, l’un est gendarme, l’autre douanier. Et chacun apporte des connaissances propres à son administration ce qui permet à la préfecture maritime d’avoir des responsabilités transversales.

Les spécificités de la marine

À leur entrée dans les armées, les futurs commissaires des armées choisissent une armée d’ancrage. Ceux qui ont choisi la marine passent leur début de carrière en mission, à bord d’un bateau. Vers l’âge de 23 ans, ils embarquent pour plusieurs mois sur un « bâtiment de la marine » d’où ils conseillent le commandant sur des aspects très pratiques du droit de la mer. Ils expliquent les conséquences de toutes les actions envisagées, rappellent le droit international qui s’applique à chaque territoire abordé et apportent leur expertise pour le soutien logistique, les relations publiques, les relations humaines, les aspects financiers et alimentaires. Le commissaire Michel a, quant à lui, passé ses premières années sur une frégate de surveillance appelée « Ventôse »,...

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